Dans une lettre adressée, par huissier notaire, à la présidence du gouvernement et au ministère des Affaires sociales, le bureau exécutif de la Confédération générale du travail de Tunisie (CGTT) a protesté contre l’audience officielle accordée, le 4 avril 2019, par l’actuel ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, à Mohamed Ali Guiza, fils de Habib Guiza et ancien directeur exécutif de la CGTT.
Dans cette lettre datant du 5 avril 2019, et dont une copie est parvenue à Webmanagercenter, le bureau exécutif de la CGTT condamne l’initiative du ministre la qualifiant d’« amorale », d’« illégale et d’ignoble immixtion » dans les affaires intérieures dudit syndicat.
Le bureau exécutif de la CGTT rappelle que Habib Guiza, secrétaire général historique et légal de la CGTT, élu démocratiquement en décembre 2017 pour un mandat de cinq ans par le 2ème congrès du syndicat, est le seul habilité à négocier officiellement au nom de la CGTT.
Pour mémoire, au mois de novembre 2018, Mohamed Ali Guiza, soutenu par quelques « certains », s’était auto-proclamé, l’espace de quelques heures, nouveau secrétaire général de la CGTT et essayé ainsi de succéder à son père en lui imposant par la force la filiation. Depuis, il a été traduit devant la commission de discipline de l’organisation syndicale et fait l’objet de poursuites en justice pour vol de documents et de gestion opaque du compte bancaire de la CGTT. Le tribunal de première instance de Tunis a prononcé deux jugements en justice en sa défaveur.
Animosité entre Guiza et Trabelsi
Il faut reconnaître que cette animosité entre Habib Guiza et Mohamed Trabelsi, qui étaient pourtant ensemble au sein de l’UGTT, remonte à une année lorsque le ministre a décidé d’exclure les syndicats libres et indépendants, officiellement créés après 2011 (CGTT, CONECT, Synagri, Ijaba…) du Conseil national du dialogue social.
Ces derniers n’ont jamais pardonné au ministre de les priver d’être des forces de propositions et d’enrichir le débat social dans une structure par essence de concertation.
Depuis, Habib Guiza a mené une véritable guérilla juridique contre l’actuel ministre des Affaires sociales.
Point d’orgue de cette guérilla, le jugement final prononcé le 5 février 2019 en sa faveur par le Tribunal administratif. En vertu de ce verdict qui reconnaît le pluralisme syndical en Tunisie, tous les syndicats libres et indépendants, légalement constitués, ont désormais le droit à la participation aux négociations sociales, au dialogue social à tous les niveaux sur la base de la représentativité proportionnelle et non restrictive.
Mieux, ils ont également le droit d’être membres du Conseil national du dialogue social ainsi que leur droit aux subventions et aux détachements.
Un revers pour le gouvernement
En principe, suite à ce jugement, les autorités tunisiennes et les entreprises privées et publiques sont appelées à respecter le jugement du Tribunal administratif et à le mettre en œuvre.
Ce jugement du Tribunal administratif a été qualifié par tous les observateurs comme un revers majeur pour le ministre des Affaires sociales. Dans son sillage, il a en plus terni l’image du gouvernement Chahed auprès des organisations internationales du travail qui reconnaissent le pluralisme syndical et aux conventions desquelles la Tunisie a adhéré.