Le gouvernement tunisien doit arrêter les négociations portant sur l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA), dont le 4ème round se déroule du 29 avril au 3 mai 2019, et préparer une alternative à cet accord proposé par la partie européenne, a indiqué le spécialiste en recherche économique Abdallah El Malek.
” L’ALECA n’est pas un problème de barrières tarifaires, mais plutôt un nouveau projet de société imposé par l’UE, a ajouté Malek qui intervenait à l’occasion d’une journée d’étude sur l’ALECA, organisée jeudi à Tunis, à l’initiative du Centre d’études et de recherche économiques et sociales (CERES).
Cet appel à l’arrêt des négociations est le constat issu de l’examen de trois études réalisées par l’Institut tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives (ITCEQ), le bureau irlandais Ecorys, dirigé par l’UE et le bureau d’analyses autrichien, relevant du gouvernement allemand.
Ainsi, l’étude réalisée par le bureau autrichien a révélé une régression du PIB réel de 0,5% s’il y a une liberté totale du commerce et de 1,5%, en cas de liberté partielle, ce qui engendrera un accroissement du chômage, notamment pour les diplômés de supérieur, et une aggravation du déficit commercial.
En contrepartie, les deux autres études, à savoir celles de l’ITCEQ et d’Ecorys prévoient une amélioration de la croissance du PIB à long terme (à l’horizon de 2030).
Ainsi, l’étude de l’ITCEQ a précisé que le gain prévu en croissance économique est différentié d’une activité à l’autre, dans la mesure où il y a des activités qui vont souffrir et disparaître complètement. Seuls trois secteurs vont se développer, précisément ceux de l’huile végétale et de l’huile d’olive, des services aux entreprises et des fruits et légumes, ce qui va aggraver le déficit du solde commercial, qui diminuera de – 2% à -3, 1% pour le scénario d’une économie de liberté totale.
Par secteur d’activité, l’étude Ecorys prévoit une légère amélioration dans 10 secteurs, avec une hausse de 20% des exportations à long terme, accompagnée d’une augmentation de19% des importations. Néanmoins, le risque d’enregistrer un solde commercial négatif demeure plausible.
Pour sa part, la journaliste Janet Ben Abdallah, spécialisée en relations économique et chercheuse dans les relations internationales a indiqué que la conclusion de l’ALECA est très grave car selon les règlements de l’ ‘Organisation mondiale du commerce (OMC), la signature de cet accord signifie l’engagement de l’Etat tunisien à respecter les lois y afférentes.
En cas de révision ou d’amendement, il faut revenir au parlement européen, ce qui risque de toucher la souveraineté nationale, a-t-elle averti.
Et d’ajouter que les lois régissant les règlements de l’ALECA ont été adoptées par l’ARP, en dehors de leur cadre réel qui est en fait la signature prévue de l’ALECA, sous prétexte que ces lois s’inscrivent dans le cadre des grandes réformes. Parmi ces lois, celle sur l’investissement qui accorde aux étrangers la liberté de s’implanter dans le pays et de transférer leurs fonds sans restriction.
“Il s’agit également de la loi sur la sécurité sanitaire et de la qualité des produits alimentaires et des aliments pour les animaux votée par l’ARP, qui exige certains critères auxquels doit répondre le produit agricole pour répondre aux normes européennes, alors que le secteur agricole tunisien est fragile et a besoin de financements pour pouvoir rivaliser avec les produits agricoles européens “, a-elle poursuivi.
De son coté, Jameleddine Aouididi, expert économique a rappelé l’étude d’évaluation de l’accord d’association entre la Tunisie et l’UE de 1995, élaborée par la Banque mondiale ( 1996-2010), laquelle a montré que la Tunisie a perdu 55% de son tissu industriel national local, avec une perte de 400 mille emplois, relevant que la signature de l’AlECA constitue une catastrophe pour le pays.
D’après l’universitaire, Sami Aouadi, la majorité des organisations professionnelles et de la société civile considèrent que l’UE est un partenaire commercial historique et privilégié de la Tunisie et que les échanges commerciaux actuels sont appelés à se développer davantage. Cependant, elles invitent le gouvernement à veiller à la souveraineté décisionnelle, à agir en fonction des seules priorités nationales et à assurer la transparence totale du processus de négociations qui doit être suivi par les partenaires sociaux, en appelant l’UE à envisager des accords économiques globaux et non pas uniquement commerciaux.