“Les prix sont devenus hors de portée !”, lance Hatem, père de famille de 43 ans, venu faire quelques provisions, dans une grande surface de la capitale, en ces premiers jours du mois de Ramadan.
Occupant le poste de commercial au sein d’une entreprise, ce père de famille n’arrive plus à joindre les deux bouts, face à la dégringolade du pouvoir d’achat et l’inflation galopante qui a atteint 6,9%, selon les derniers chiffres de l’INS.
La baisse des prix de certains produits alimentaires annoncée par le gouvernement, en prévision du mois de ramadan, peine à se faire sentir par les consommateurs.
L’ancien directeur général de l’Institut national de la consommation, Tarek Ben Jazia, a déclaré à l’Agence TAP, que “malgré les plaintes incessantes des consommateurs liées à l’envolée des prix, la moyenne des dépenses du consommateur tunisien consacrées à l’alimentation enregistre une hausse de près de 34% au cours du mois de Ramadan”.
“En Tunisie, la consommation des ménages n’a jamais chuté, et ce malgré la conjoncture économique difficile que connaît le pays depuis la révolution. Pour le Tunisien, consommer, c’est exister. Il est prêt à s’endetter rien que pour satisfaire ses besoins”, souligne-t-il.
“Avec ma femme, nous percevons, chacun, un salaire de 1 300 dinars. Malgré cela, nous nous retrouvons contraints de nous endetter pour subvenir aux besoins de notre famille”, déplore avec amertume un autre consommateur, Hatem, jetant un regard désarmé sur les prix exorbitants du rayon des boîtes de thon.
Devant l’étal des légumes et fruits, Monia, liste de provisions à la main, scrute avec attention les prix affichés. Pour cette retraitée, les courses sont devenues un véritable casse-tête:
“C’est devenu compliqué pour moi de faire mes emplettes au même endroit. Les prix différent d’une surface commerciale à l’autre et cela m’amène à faire le tour des commerces, pour trouver les meilleurs prix “, raconte la sexagénaire.
” Depuis l’avènement du mois saint, mes dépenses alimentaires varient entre 25 et 30 dinars par jour, hors fruits, légumes et viandes. Ce budget reste relativement élevé pour un couple de retraités, d’autant que ma pension ne me suffit plus. Je me retrouve à découvert dès le 15 du mois “, confie-t-elle.
La grande distribution manipule les prix
Pour le président de l’Organisation nationale pour informer le consommateur (OTIC), Lotfi Riahi, la grande distribution manipule les prix. Elle réalise des marges bénéficiaires pouvant atteindre jusqu’à 70% sur certains produits, d’où cette hausse et instabilité des prix observées d’un espace commercial à l’autre.
Il appelle le gouvernement à la nécessité de fixer un seuil maximal de marge bénéficiaire, afin de protéger le pouvoir d’achat des citoyens.
Accompagnée de ses deux enfants, Faten, jeune femme au foyer, s’alarme, elle aussi, de la flambée des prix des produits alimentaires : ” Au cours du mois de ramadan, je consacre entre 200 et 230 dinars aux dépenses alimentaires par semaine, pourtant je ne peux plus prétendre à l’achat de certains aliments comme la viande rouge dont le coût a atteint 32 dinars le kg dans certains lieux. Ça m’arrive d’en acheter occasionnellement, mais en petites quantités, rien que pour mes enfants”.
” Même les prix des tomates ont doublé. En deux jours, le kilo de tomates est passé de 1 600 à 2 800 millimes “, renchérit-elle.
Selon le président de l’Organisation de défense du consommateur (ODC), Slim Saadallah, le kilo de tomates atteint jusqu’à 3 800 millimes, alors que le gouvernement l’a fixé à 1 600 millimes. La hausse des prix de ces légumes peut s’expliquer par le fait que la saison des récoltes n’a pas encore débuté. Les tomates commercialisées actuellement, sont issues des cultures en serre.
Et d’ajouter que “l’exportation de grandes quantités de tomates est également, à l’origine de cette hausse, appelant les citoyens à boycotter ces légumes vendus à de tels prix. Pour ce qui est des viandes rouges, il est préférable d’opter pour les viandes rouges réfrigérées importées, commercialisés par la société El Louhoum et dans les points de vente du producteur au consommateur, au prix de 21 dinars le kilo”.
” Les viandes rouges locales, dont le prix est fixée à 28 dinars le kilo, ne sont pas à la portée de tous les budgets, d’où l’impératif de les boycotter”, souligne-t-il.
Déambulant d’un étal de fruits à l’autre, en quête de prix raisonnables, Aicha, qui a dépassé les 65 ans, n’arrive pas à remplir son panier de courses : ” Cela fait un quart d’heure que je fais des va-et-vient entre les rayons, pourtant, mon panier est presque vide. J’ai peur de rentrer bredouille “, soupire Aïcha, avant de poursuivre, “depuis l’avènement de ramadan, je n’ai pas pu acheter des fruits, sinon je ne serai plus en mesure de payer mes factures .”
” Regardez les prix des dattes ! Elles sont devenues un aliment de luxe pour les petites bourses comme nous “, se plaint-elle.
Très prisées par le consommateur tunisien pendant le mois de ramadan, les dattes deviennent l’objet d’une forte spéculation, observe Slim Sadallah, président de l’ODC.
” A l’approche de Ramadan, les spéculateurs achètent les dattes à 2,500 dinars le kilo, les stockent dans les entrepôts frigorifiques pour les vendre ensuite à 15 dinars le kilo “, explique-il, exhortant le ministère du commerce à renforcer les campagnes de contrôle, afin de lutter contre les spéculation et réguler le marché.