L’absence de preuves et le refus de faire valoir les privilèges et l’immunité accordés à l’expert onusien d’origine tunisienne, Moncef Kartas, rendent son arrestation “un acte abusif et contraire à la loi”, qui risque “d’avoir des répercussions désastreuses pour la Tunisie”. C’est en tout cas ce qu’a affirmé son avocat, Me Mohamed Manoubi Ferchichi, lundi 20 mai 2019.
Il est prohibé de poursuivre en justice, de placer en détention ou d’arrêter l’expert tant que l’immunité qui lui est accordée n’a pas été levée par le secrétaire général des Nations unies, a-t-il ajouté dans un communiqué, affirmant qu’il valait mieux lever l’immunité d’abord.
L’organisation des Nations unies n’a pas cessé d’interpeller l’Etat tunisien à travers des correspondances pour demander le faire valoir de l’immunité accordée à son expert, a-t-il noté, appelant à arrêter toutes les poursuites engagées contre Kartas et à sa libération conformément à la Convention sur les privilèges et immunité des Nations unies et la Convention sur la sécurité du personnel des Nations unies et du personnel associé.
Concernant l’équipement électronique saisi, l’avocat a fait savoir que son client l’utilisait pour le suivi du trafic de certains avions soupçonnés de violer les sanctions imposées par le conseil de sécurité de l’ONU sur la Libye.
Les services de l’ONU étaient au courant de l’utilisation par Kartas de l’appareil “RTL-SDR” saisi et affirment dans une correspondance que cet appareil est utilisé dans le cadre d’une mission onusienne, et n’a pas pu être installé en Libye pour des raisons sécuritaires, d’où l’engagement de travaux d’investigation à partir du territoire tunisien, lit-on dans le communiqué.
L’appareil en question est proposé à la vente au public dans plusieurs sites web et ne constitue nullement un danger pour l’Etat tunisien, affirme Me Ferchichi, faisant remarquer que les données sur le trafic aérien civil sont des données publiques disponibles sur plusieurs sites et tout avion peut être suivi à travers ses sites.
Le 15 mai, l’ONU a appelé la Tunisie à libérer l’expert Moncef Kartas, détenu depuis le 26 mars et à abandonner les accusations d’espionnage portées à son encontre. Le porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Stéphane Dujarric, a déclaré lors d’un point de presse à New York, que l’Organisation réclame que les “accusations portées contre Kartas soient abandonnées” et qu’il soit “relâché immédiatement. La Tunisie viole les privilèges et immunités accordés à Moncef Kartas dans l’intérêt des Nations unies”.
Moncef Kartas, expert en fonction depuis 2016 au sein du groupe de spécialistes chargés par l’ONU d’enquêter sur les violations de l’embargo sur les armes imposé à la Libye, a été arrêté le 26 mars, à son arrivée à l’aéroport de Tunis.
Le porte-parole officiel de la justice antiterroriste, Soufiene Selliti, avait déclaré le 11 avril dernier que l’expert onusien soupçonné d’espionnage “ne peut pas bénéficier de l’immunité dans la mesure où l’affaire dont il fait l’objet concerne des intérêts personnels”.
Selliti avait également précisé que Kartas n’avait pas regagné la Tunisie dans le cadre d’une mission de l’ONU, puisqu’il était détenteur d’un passeport tunisien et non onusien. Pour lui, étant donné qu’il est chargé d’une mission de l’ONU en Libye et non en Tunisie, il ne peut se faire prévaloir de l’immunité appliquée dans le cadre de la convention sur les privilèges de l’ONU.
Un des juges d’instruction du tribunal antiterroriste avait émis deux mandats d’arrêt à l’encontre de l’expert de sécurité des Nations unies et d’une autre personne de nationalité tunisienne également, dans une affaire portant sur “la collecte de renseignements et données relatifs à la lutte contre le terrorisme et à leur divulgation dans des circonstances autres que celles autorisées par la loi”.