Le gouvernement du consensus ayant été instrumentalisé pour servir des objectifs –avouables et inavouables- très particuliers et ayant de ce fait grandement contribué à aggraver les problèmes du pays, il devient urgent –à condition, bien sûr, que les urnes le permettent lors des élections d’octobre et novembre 2019- de sortir de ce piège.
Comment ? D’abord, en évitant les alliances contre nature, comme celle conclue par Ennahdha et Nidaa en 2014, dont le défaut suprême est de brouiller les cartes, de rendre la situation difficilement déchiffrable et d’empêcher le citoyen en général et l’électeur en particulier d’imputer les responsabilités de l’échec ou de la réussite de l’action d’un gouvernement, et de punir ou, au contraire, de récompenser celui ou ceux qui doivent l’être par le vote.
Pour que le Tunisien ne soit pas privé de ce droit dans cinq ans, il faudrait qu’au lendemain des prochains scrutins le vainqueur respecte la volonté des électeurs, prenne ses responsabilités pour gouverner seul, s’il a la majorité requise pour cela, ou, à défaut, s’allie à d’autres formations proches de lui politiquement et idéologiquement.
Bref, il faudrait que le parti vainqueur gouverne avec une majorité homogène, et que la deuxième grande formation –Tahya Tounes, Ennahdha, ou toute autre- soit dans l’opposition, apporte la contradiction, critique ou soutien, quand il le faut.
Quid du spectre de l’affrontement –certains ont même agité l’éventail de la guerre civile qui guetterait le pays, s’il n’optait pour un gouvernement de concorde- qui découlerait d’un tel schéma inhérent à tout régime démocratique ?
En raison de la dureté de l’affrontement idéologique dans la Tunisie d’aujourd’hui, on ne peut bien sûr pas exclure un dérapage. Mais en reportant à plus tard ce moment de vérité, on n’éliminera pas ce risque. On ne fera que le retarder. Et, ce faisant, on le rendra plus pesant.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le pays soit immunisé contre un tel danger.
D’abord, il faudrait que les Tunisiens apprennent les ABC de la coexistence pacifique. Ce qui ne veut pas dire renoncer à critiquer l’autre ou chercher –ce dont Ennahdha tend, bizarrement, à considérer sinon comme une hérésie du moins comme un comportement anti-démocratique- à la dessaisir du pouvoir.
Ensuite, la justice devrait devenir réellement indépendante pour la mettre à l’abri des influences politiques, afin qu’elle puisse éviter deux écueils : s’emparer de certains dossiers ou, au contraire, en occulter, à des fins politiques.
De même, le dispositif nécessaire à une vraie vie démocratique et à un jeu politique … ne serait pas complet sans la mise en place de toutes les institutions prévues par la Constitution (rappel de la mission).
Enfin, pour que cette nouvelle configuration et ce nouveau mode de fonctionnement puissent se mettre en place et bien fonctionner, les Tunisiens devront élire à la prochaine présidentielle un président aux antipodes de ce que BCE a été durant son mandat ; quelqu’un qui n’ait pas la volonté de dominer les autres institutions -c’est-à-dire un vrai démocrate. Ou que, s’il est réélu, le président sortant change de logiciel.
Moncef Mahroug
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