” Au rythme de déclin actuel, il n’y aura quasiment plus de production pétrolière en Tunisie dans 10 ans “, pense l’ancien ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Kamel Ben Naceur, qui s’exprimait lors de la 15ème conférence annuelle de l’ASECTU qui se tient à Hammamet du 12 au 14 juin 2019 sur le thème ” Accélération de la transition énergétique : Révolution numérique, subventions publiques et décentralisation “.
Ben Naceur a témoigné d’un “désengagement/désintérêt” grandissant des principales compagnies pétrolières mondiales envers le site Tunisie. Car il n’y a plus que 2 majors en Tunisie (ENI, BG/Shell), une compagnie moyenne (OMV), un indépendant régional (Perenco) et de petites compagnies (Winstar, Mazarine).
Selon lui, il existe actuellement 23 permis de recherche et de prospection contre 52 en 2010. Seulement 4 permis ont été rendus et un annulé, en 2017, d’où une chute des investissements d’exploration de 70% durant cette année. Ces investissements ont été divisés par 9 depuis 2010. En 2015, pour la première fois en Tunisie, il n’y a pas eu d’activité séismique ou sismique.
Ben Naceur pointe également du doigt “la détérioration catastrophique de la balance énergétique tunisienne et son impact élevé sur le déficit commercial et le budget de l’Etat”, estimant qu’”il est grand temps d’agir en considérant les délais d’exécution des projets dans le secteur énergétique”.
Toujours selon l’ancien ministre, contrairement à ce que certains veulent faire croire, “la Tunisie ne baigne pas dans le pétrole. La superficie de la partie tunisienne du bassin de Ghadames représente un dixième de la partie algérienne et libyenne”. De ce fait, “sécuriser l’approvisionnement du pays en énergie revient donc à attirer davantage d’investissements dans les énergies conventionnelles, approfondir les débats sur les ressources non-conventionnelles afin d’en tirer les bonnes conclusions, accélérer la mise en place de la stratégie nationale en matière d’énergie renouvelable, favoriser la maîtrise de l’énergie et renforcer les interconnexions pour une meilleure intégration énergétique régionale”.
Le diagnostic de l’ex-ministre est partagé par l’expert, Mustapha El Haddad pour qui ” la production nationale d’hydrocarbures a chuté de 42% entre 2010 et 2018, passant de 6,7 Mtep à seulement 3,9 Mtep. Le déficit commercial du secteur a été multiplié par 12 durant la même période, et les subventions de l’énergie par trois. Le nombre de permis d’exploration à baissé de 60%, passant de 52 en 2010 à 21 en 2018. Le taux de dépendance énergétique a ainsi été multiplié par 3, passant de 19% à 47%”.
Selon El Haddad, une construction pérenne de l’avenir énergétique du pays nécessiterait que les principaux acteurs politiques adoptent une feuille de route commune sur quelques questions, clés à savoir : la mise en valeur de toutes les ressources nationales, la diversification des approvisionnements, du gaz en particulier, la réduction des subventions de l’énergie, la neutralité et l’indépendance des institutions publiques (DGE, ETAP, STEG…)”.