La fièvre électorale ne cesse de monter. A cinq mois des législatives et six de la présidentielle, les grandes manœuvres et les hostilités ont commencé. Celles-ci opposent les prétendants à la victoire dans l’un des deux scrutins ou les deux à la fois.
En pleine ascension dans les sondages depuis quelques semaines, Nabil Karoui –il n’est pas le seul, mais il l’est plus que les autres- se retrouve tout naturellement dans l’œil du cyclone et constitue la cible principale des attaques. Dont la plus récente a pris la forme d’un projet d’amendement de la loi électorale destiné à barrer la route au patron de Nessma TV.
Ce texte divise les politiques et les députés. Certains jugent nécessaire d’empêcher M. Karoui de cueillir les fruits –en l’occurrence une élection à la magistrature suprême et, éventuellement, une assez forte présence (la plus importante selon le plus récent sondage Sigma/Le Maghreb qui crédite le parti à venir du candidat indésirable de 29,8% aux législatives)- de la campagne qu’il mène depuis plus deux ans, sous couvert d’action caritative.
D’autres pensent, au contraire, que le gouvernement n’a pas le droit d’agir ainsi pour éliminer un adversaire de son chef, Youssef Chahed.
Bien sûr, Nabil Karoui est loin d’être irréprochable puisque le candidat à la présidentielle –tenu d’être un citoyen modèle d’autant que, s’il est élu, son rôle consistera notamment à être le garant du respect de la Constitution et des lois- se permet de violer des dispositions légales, et plutôt deux fois qu’une.
Bien sûr, la manière dont le patron de la première chaîne de télévision du pays fait de la politique et a préparé son entrée dans ce monde, la création d’un parti et sa candidature à la présidentielle pose un problème éthique, moral, politique, juridique, etc.
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Elle révolte, voire dégoûte bon nombre de Tunisiens.
Mais la réaction-réponse du gouvernement aussi interpelle. Est-elle la bonne ? Son timing est-il le bon ? Aurait-il réagi ainsi si la montée en flèche de Nabil Karoui n’avait pas pour inévitable conséquence de réduire à néant le rêve présidentiel de son chef, Youssef Chahed ? Le nouveau président de Tahya Tounes aura fort probablement du mal à convaincre qu’il est personnellement désintéressé dans cette affaire.
Si lui et son parti étaient désintéressés et n’étaient mus dans cette affaire que par le souci de faire respecter la loi, ils n’auraient pas attendu jusqu’à aujourd’hui pour agir contre les pratiques reprochées aujourd’hui au patron de Nessma TV. Car, sur le fond, le projet de loi destiné à amender la loi électorale est tout à fait nécessaire pour éviter à l’avenir les dérapages auxquels on assiste –parmi lesquels l’instrumentalisation de l’action caritative à des fins politiques. Mais c’est son timing qui le rend suspect et contestable.
(Suite)
Moncef Mahroug
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