Les réactions des représentants de partis politiques au Parlement ont montré un grand clivage entre opposants et favorables au projet d’amendement de la loi électorale, présenté récemment par le gouvernement.
Le projet de loi portant modification de la loi organique n°2014-16 relative aux élections et aux référendums en particulier dans sa dernière version interdit à toute personne n’ayant pas déclaré ses impôts, ou encore son patrimoine dans les délais impartis, ayant fait l’apologie de la dictature ou utilisé l’action associative ou des médias à des fins politiques, de se porter candidat aux prochaines élections.
Alors que des formations politiques comme Ennahdha, la Coalition nationale et Tahya Tounes appellent à interagir “positivement” avec cette initiative, d’autres comme le Courant démocrate et le Front populaire (avant sa dissolution) ainsi que des organisations comme l’UTICA contestent un texte qui risque de “mettre en péril la démocratie”.
Pour Sami Ben Slama, ancien membre de l’Instance électorale (ISIE), le projet d’amendement de la loi électorale est, de facto, initié par le mouvement Ennahdha qui s’oppose à la mise en place d’une Cour constitutionnelle. “Les amendements proposés par le gouvernement sont entachés d’irrégularités”, a-t-il affirmé.
Projet d’amendement controversé
Pour Ben Slama, cette initiative est ” contraire aux dispositions de la Constitution et aux standards internationaux “. Elle vise, selon lui, à exclure les opposants politiques et traduit la volonté du gouvernement Chahed de rester au pouvoir. ” Le gouvernement Chahed veut rester au pouvoir coûte que coûte “, a-t-il dit.
Seul le secrétariat général du gouvernement est habilité à relever les dépassements commis par les partis politiques et les associations, estime-t-il.
Par ailleurs, Ben Slama, a souligné qu’il n’est pas possible sur le plan pratique d’appliquer les nouveaux amendements proposés dans la mesure où ils perturbent l’action de l’Instance électorale.
L’ancien président de l’ISIE, Chafik Sarsar, est du même avis. Il a qualifié ” d’escroquerie juridique ” le projet de révision de la loi électorale, ajoutant que les élections pourraient perdre leur crédibilité si ledit projet de loi est adopté.
” Le projet d’amendement de la loi électorale est entaché d’irrégularités et laisse présager des dérapages importants “, a-t-il averti.
Sur le même sujet, Adel Brinsi, membre de l’ISIE, considère que l’amendement le la loi électorale n’est pas “opportun” sur le plan moral et politique, estimant qu’il est inapproprié en termes de timing.
Le professeur de droit constitutionnel et coordinateur général du réseau “Doustourna”, Jawher Ben Mbaraek, a dit comprendre le rejet de ce projet d’amendement en raison de son timing, d’autant que la Commission de Venise s’oppose à de pareils changements, quelques mois avant les élections.
Ben Mbaraek a, cependant, mis en garde contre les dangers qui guettent la démocratie en général et l’opération électorale en particulier, citant à ce propos l’instrumentalisation du ” malheur ” et de ” la misère ” des citoyens à des fins politiques.
Il dénonce au passage le ” financement suspect ” des partis et la publicité politique qui, selon lui, porte atteinte à l’intégrité des élections, se prononçant pour l’amendement de la loi électorale qui sera généralisée à tous les partis politiques.
” La généralisation de ces conditions protégera le processus démocratique et préservera la souveraineté du pays “, a-t-il estimé.
Lors de la plénière de jeudi 16 juin consacrée à l’examen du projet de loi relatif aux élections et référendums, les députés ne sont pas parvenus à voter les amendements proposés. En fait les députés n’ont pas voté l’intitulé du projet de loi, ni la proposition de baisser le seuil électoral.
L’amendement de la loi relative aux élections et référendum a été reporté à plusieurs reprises faute de quorum. Les différents blocs parlementaires n’ont pas réussi au sein de la commission des compromis à trouver des solutions consensuelles.