La libéralisation du secteur de la concession automobile, la suppression de la politique de quotas, la révision des taxes et droits appliqués au secteur, l’incitation à l’export des solutions software et d’intelligence artificielle en plus des composants automobiles, sont les revendications adressées aux autorités par le vice-président de la Chambre syndicale des concessionnaires automobiles, Mohamed Ben Jemâa.
“La situation du secteur est très critique, nous perdons annuellement 20% de nos ventes, ce qui touche sensiblement nos marges et nos capacités de réinvestissement. La politique de resserrement de crédits aux particuliers a engendré un coup d’arrêt des ventes”, s’est-il alarmé, lors d’un forum organisé vendredi 21 juin par le magazine Sayarti sur le thème “Pour des instruments financiers mieux adaptés aux professionnels de l’automobile”.
Ben Jomaâ estime que le resserrement monétaire a aussi poussé les compagnies de leasing à exiger des délais de paiement de trois à quatre mois. “Ceci a impacté notre trésorerie et nous a mis dans l’obligation de recourir aux institutions financières pour nous refinancer, augmentant ainsi nos coûts de production et, partant, nos prix de vente”.
“A cela s’ajoute, la baisse drastique du dinar qui a renchéri les prix de vente des voitures de près de 30%, l’augmentation des droits et taxes, de l’impôt sur les sociétés et du taux du marché monétaire, qui ont sensiblement agi sur nos prix finaux. Cette situation ne peut pas perdurer d’autant plus qu’il s’agit d’un secteur qui emploie plus de 15 mille personnes et contribue à 96% au transport routier en Tunisie” a-t-il développé.
La lutte contre l’inflation ralentit le rythme d’octroi des crédits
Intervenant à cette conférence, le président de l’APTBEF, Ahmed El Karm, a souligné que “le métier des banques est de financer et d’octroyer des crédits. Nous sommes malheureux de ne pas pouvoir le faire efficacement. Ce n’est pas un choix mais une situation particulière que nous subissons tous au même titre que les concessionnaires”.
La nouvelle politique monétaire entamée en 2018 pour contenir l’inflation a fortement contribué à ralentir le rythme d’octroi des crédits bancaires, a expliqué le président de l’APTBEF.
Cette politique a engendré ce ralentissement, “à travers des mesures visant à agir sur la demande et l’offre des crédits via l’augmentation du taux du marché monétaire, les restrictions imposées au refinancement des banques auprès de la Banque centrale par l’inversement de la composition du portefeuille des créances gageant le refinancement (60% de créances sur la clientèle et 40% de bons de trésors), l’augmentation du taux d’intérêt pour les banques n’ayant pas d’actifs pour accéder au refinancement, le plafonnement de l’encours de crédits à 120% de l’encours de dépôts”. Or, fait remarquer M. El Karm, certaines banques ont déjà dépassé ce seuil.
” Il n’y a pas de restrictions touchant un secteur particulier ou interdisant l’octroi de crédits aux particuliers, mais c’est plutôt un changement de comportement de la part des banques pour s’adapter à la politique générale. Le resserrement de la trésorerie a aussi impacté la capacité des sociétés de leasing à financer le secteur “, a-t-il aussi souligné.
“Les concessionnaires automobiles doivent opter pour des modèles de financement alternatifs”
D’après le président de l’APTBEF, “le secteur automobile est en train de traverser une rupture, l’écart entre le pouvoir d’achat des citoyens et les prix des voitures est de plus en plus grand. Les concessionnaires doivent changer de modèle et opter pour des modèles de financement alternatif (location longue durée, marché financier …)”.
Réagissant aux propos des professionnels automobiles et financiers, le ministre du Commerce, Omar El Béhi, a tenu à rappeler que “le pays traverse, depuis 2011, un problème de productivité et de croissance. On ne peut pas consommer au même rythme sans produire”.
Toujours selon lui, “c’est tout à fait normal que les ventes baissent en période de crise, et c’est normal aussi qu’il y ait des mesures visant à rétablir les équilibres macroéconomiques. A ce titre, la dernière augmentation du taux directeur a en quelque sorte cassé la vague spéculative sur le dinar, ce qui a favorisé une légère stabilité de ce dernier”.
Le ministre du Commerce considère par ailleurs “qu’un redressement de la situation de ce secteur mais aussi de tous les requiert un rétablissement de la productivité et des fondamentaux économiques”.
S’agissant de la libéralisation du secteur, El Béhi estime qu’”il s’agit d’un pas qui doit être réfléchi et qui requiert certains préalables. Pour le moment, le contexte économique ne s’y prête pas. Nous sommes plus dans une logique d’encouragement des industriels automobiles présents en Tunisie et de contrôle des importations pour améliorer la situation des finances publiques”.