Le tourisme de bien-être, composante du secteur médical qui couvre, également, le tourisme médical et celui des seniors, constitue à lui seul un marché d’environ 200 millions de patients à portée de main de la Tunisie.
C’est en ces termes qu’Ahmed Smaoui, ancien ministre du Transport, du Tourisme et des Affaires sociales, a présenté le débat sur le thème «Le tourisme de santé en Tunisie : de l’euphorie aux doutes ?».
Ce débat, auquel ont pris part une dizaine d’anciens ministres et plusieurs professionnels (médecins, consultants, patrons de cliniques), a été organisé le 29 juin 2019 à Tunis par le Cercle de réflexion Khereddine.
Au regard de l’ampleur du thème, nous avons choisi de nous concentrer sur une des composantes de ce thème, «le tourisme du bien-être (thalassothérapie, balnéothérapie, thermalisme)» à dessin.
En effet, si le tourisme hospitalier (médical), garde la tête hors de l’eau, celui du «bien-être» connaît de sérieuses difficultés. «Derrière la rhétorique de la première destination au monde, nous découvrons des centres fermés ou en voie de l’être, et un secteur fragilisé et en pleine tourmente», ont noté les participants à ce débat.
«La Tunisie est en train de perdre des points de croissance et de précieuses positions face à une concurrence internationale et régionale accrue», a-t-on martelé.
Selon Ghazi MEJBRI, spécialiste et président de la Chambre des facilitateurs du tourisme médical, le dernier Indice du tourisme médical (MTI) classe la Tunisie à la 4ème position en Afrique, derrière l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Maroc, et à la 36ème place dans le monde sur un total de 41 pays listés.
Rien n’explique ces projets en stand-by
Au nombre des flops cités au cours de ce débat, les participants ont évoqué, entre autres, deux projets en stand-by, depuis plus d’une décennie.
Le premier concerne la station thermale Salhine au “village climatique“ de Ben Metir (nord-ouest de la Tunisie) qui projette d’exploiter une source d’eau chaude qui est, à 73 °C, la plus chaude de Tunisie et l’une des plus chaudes du monde. Elle est connue pour ses vertus curatives des maladies rhumatismales, inflammatoires et épidermiques. Cofinancée par l’Union européenne, la station est composée de 80 chalets pour une capacité de 120 curistes.
Le second concerne le projet de réalisation d’une cité thermale à El Khbayat, à 12 km de la localité d’El Hamma (gouvernorat de Gabès). Ses ressources d’eaux chaudes souterraines ont la spécificité confirmée de traiter plusieurs maladies. Les travaux de réalisation de ce mégaprojet de tourisme de santé auraient dû démarrer en 2009.
Le coût du projet, qui a un potentiel d’emploi plus de 2 000 personnes et de développement dans cette zone, a été estimé à l’époque à environ 400 millions d’euros (1,3 milliard de dinars actuellement). Ses composantes étant plusieurs stations thermales, un terrain de golf, des espaces verts et de loisirs. Une firme autrichienne avait même été retenue pour piloter et réaliser, sur cinq ans, le projet. Cette firme, représentée par son directeur exécutif, Gerhard Weiser, avait co-signé, en 2013, avec le ministre tunisien du Développement et de la Coopération internationale de l’époque, Lamine Doghri, un mémorandum d’entente portant sur la création d’une ville thermale à El Khbayat. Depuis silence radio…
L’Egypte en lice avec un projet pharaonique
Parallèlement à ces projets en stand-by, d’autres pays ont compris tous les avantages qu’ils peuvent tirer de cette nouvelle industrie. Ils ont mis le paquet et programmé des mégaprojets.
Pour ne citer que le plus récent, les autorités égyptiennes ont annoncé, à la mi-juin 2019, qu’elles vont investir 1,2 milliard de dollars pour construire, au nord-est du Caire, une cité médicale dénommée “Badr City“.
Cette Cité médicale, qui sera la plus grande du genre au Moyen-Orient et en Afrique, abritera notamment 13 centres de soins spécialisés ayant une capacité totale de 2 000 lits, un hôpital universitaire, un héliport médical, des espaces verts et une ferme réservée à la culture des plantes médicinales.
«La Cité médicale proposera une large gamme de soins ciblant, entre autres, les personnes âgées et les handicapés», a déclaré Ammar Mandour, chef du projet égyptien. «Nous comptons offrir les traitements les plus innovants en nous basant sur des équipements médicaux à la pointe de la technologie», précise-t-il.
La construction de cette Cité médicale, qui s’étalera sur une superficie d’environ 45 hectares, devrait être achevée d’ici cinq ans.
Des pistes à explorer pour s’en sortir
Pour le cas de la Tunisie, les participants ont essayé de répondre à deux hypothèses : «soit ce secteur devra se résoudre à constater son impuissance et à la perte irréversible de l’extraordinaire chance qu’il a eue, soit ce secteur peut encore se donner les moyens de se ressaisir, de maintenir voire de consolider son bon positionnement».
Kaouther Meddeb, médecin thermal, émettra, au terme d’un exposé sur l’Etat des lieux, plusieurs recommandations.
Il s’agit entre autres de l’adoption d’un statut spécifique aux centres de thalassothérapie, la fidélisation des clients les plus dépensiers s’agissant notamment des Suisses, la clarification dans des textes précis les différents corps de métiers qui exercent dans le tourisme de bien-être, la sédentarisation du personnel et la réduction de sa rotation.
Autres propositions évoquées : la professionnalisation du secteur, l’amélioration de la traçabilité des actes et leur adaptation aux normes internationales, la diversification des marchés étrangers, la lutte contre le bradage des prix, la digitalisation des cités thermales et l’amélioration de la communication et de la promotion sur le net.
Cela pour dire au final que l’enjeu réside dans la mise en place d’une vision stratégique claire et dans l’effort à fournir pour améliorer l’attractivité de la destination Tunisie et de lui conférer plus de visibilité à l’international.
Abou Sarra