Les Tunisiens ont été, cet été, surpris de voir que la couleur de l’eau de mer avait viré au rouge au niveau de certaines côtes. Phénomène que les spécialistes ont expliqué par les températures élevées mais qui en disent long sur la défaillance en matière de lutte contre les changements climatiques, malgré les moyens et les politiques mobilisés à l’échelle internationale pour soutenir cette lutte.
En Tunisie, la problématique des changements climatiques se pose avec de plus en plus d’acuité à chaque fois où un phénomène climatique inhabituel se produit (pluies torrentielles en été, perturbations des saisons culturales, invasion du crabe bleu à Gabès et Zarzis…).
Les changements climatiques entraînent, en effet, des conséquences désastreuses sur la santé dans plusieurs régions du monde, avec leur cortège de nouvelles maladies et autres épidémies dont la grippe aviaire, la fièvre jaune, le choléra, la peste…
En Tunisie, ces changements se sont manifestés par la couleur rouge des eaux de la mer à Kerkennah, la Goulette et Carthage. Ce phénomène intervient alors que la Tunisie figure parmi les premiers pays à ratifier la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements climatiques (CCNUCC) en 1993 et le protocole de Kyoto, et à parapher l’Accord de Paris.
La Tunisie a également bénéficié du soutien international pour élaborer sa stratégie de lutte contre les changements climatiques, notamment de la part du Fonds vert pour le climat ((Green Climate Fund : GCF) et de la fondation allemande Friedrich-Ebert.
Les gouvernements successifs ont ainsi mis en place une série de mesures visant à limiter les effets des changements climatiques dont la réduction de 41% des émissions de CO2 à l’horizon 2030, et l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité à 14% en 2020 et à 30% en 2030.
Toutefois, les ambitions affichées en la matière se heurtent souvent à l’indisponibilité des financements nécessaires pour assurer la transition énergétique, outre la faible conscience énergétique des Tunisiens mais aussi des décideurs, ce qui a poussé certaines organisations à tirer la sonnette d’alarme climatique.
Selon des études élaborées par des associations environnementales, la Tunisie, contrairement au Maroc et à l’Egypte, n’a bénéficié du soutien du Fonds vert pour le climat que deux fois en 2016 pour financer un projet de développement durable, et ce malgré l’existence d’une cellule de communication nationale dudit fonds.
Ce faible soutien est expliqué par la faiblesse des projets environnementaux présentés par la partie tunisienne lors de la COP 21 et par la faible réactivité des autorités tunisiennes vis-vis d’organismes, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds d’investissement climatique (FIC) et la fondation allemande Friedrich-Ebert qui constituent des mécanismes de financement et de soutien aux projets relatifs à la lutte contre les changements climatiques.
Le Fonds vert pour le climat en quête d’opportunités en Tunisie
Selon Chokri Mezghani, responsable au sein de la cellule communication nationale du GCF, une délégation du Fonds visitera la Tunisie du 22 au 24 juillet 2019 pour étudier ses propositions et identifier les projets à financer par le Fonds dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques.
Mezghani a évoqué deux projets approuvés par le Fonds vert dans le cadre des projets régionaux (dont la Tunisie) financés par le Fonds, le premier s’intéressant au secteur privé pour promouvoir les énergies durables d’un coût total de 1,4 milliard de dollars et le second portant sur les villes vertes et nécessitant des montants globaux estimés à 603,4 millions de dollars.
Il a mis en exergue l’importance de l’Instance nationale accréditée auprès du Fonds Vert pour le climat (GCF) en tant qu’outil de liaison entre les promoteurs de projets portant sur l’adaptation aux changements climatiques en Tunisie et ledit Fonds, rappelant que cette dernière a mené plusieurs consultations concernant le financement de tels projets dans plusieurs régions et l’établissement de programmes de coopération avec des spécialistes du financement, en plus de l’élaboration d’une stratégie d’inclusion du secteur privé.
L’Instance s’est entretenue avec toutes les parties concernées dans toutes les régions afin de les sensibiliser aux interventions et missions du GCF et leur présenter les étapes d’obtention des financements ainsi que le soutien apporté aux promoteurs pour la formulation de leurs projets afin qu’ils répondent aux conditions exigées par le Fonds, selon Mezghani.
L’Instance nationale accréditée auprès du GCF comprend des structures et des établissements publics, à l’instar des ministères des Affaires locales et de l’Environnement, de l’Agriculture, de l’Energie et du Transport ainsi que des municipalités, outre les entreprises privées et la société civile.
Lors du sommet de Paris sur le climat tenu en 2015, la Tunisie s’était engagée à réduire de 41% les émissions de CO2 dont 28% grâce au soutien international dans ce domaine, à travers la mobilisation de financements auprès du Fonds vert.
Le Fonds vert a besoin de 100 milliards de dollars par an
L’expert et négociateur en matière de changements climatiques, Adel Youssef, a déclaré, lors d’une conférence organisée par l’organisation “Climate Tracker” en juin 2019, que l’Accord de Paris repose sur des engagements dans le domaine du financement, soit la mise à la disposition des pays en voie de développement de 100 milliards de dollars à l’orée de 2020.
Il a ajouté que “ces pays ont constaté que les mécanismes d’octroi de ces financements n’ont pas été mis en oeuvre jusqu’à ce jour”, faisant remarquer qu'”en dépit de l’avancement dans certains domaines, les questions centrales n’ont pas été abordées”.
Selon lui, les financements du climat sont plurilatéraux dont les plus importants proviennent du GCF qui doit être doté de près de 100 milliards de dollars par an, mais aucun engagement n’a été présenté à ce propos.
Pour rappel, le GCF a été créé en 2010 après la 16ème session de la Conférence des parties (CdP 16) à la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et devait fournir annuellement des financements de l’ordre de 100 milliards de dollars par an aux pays en développement pour la réalisation de projets d’adaptation aux changements climatiques.
En dépit du droit à un environnement sain comme le stipule la Constitution, le rythme de la lutte contre les effets des changements climatiques demeure lent en Tunisie, faisant de la mise en place d’un plan d’action cohérent une priorité afin d’adopter un schéma de développement plus adapté aux changements climatiques pour préserver les droits des générations futures.