Pour le directeur général d’International Islamic Trade Finance Corporation (ITFC), filiale de la Banque islamique de développement (BID), le déficit de l’Afrique en matière d’intégration n’est pas propre à l’Afrique mais imputable au système commercial mis en place et qui ne favorise pas les échanges Sud-Sud.
Webmanagercenter : Le secteur privé en Afrique s’intéresse-t-il aux outils et programmes d’ITFC ?
Hani Salem Sonbol : ITFC croit fermement que les Etats et les gouvernements ne peuvent pas seuls prendre en charge le développement économique des pays. Le rôle du secteur privé dans ce domaine est très important.
La création par le groupe de la Banque islamique de développement d’institutions visant à renforcer les opérateurs privés -la Société islamique pour l’assurance des investissements et des crédits au développement (ICIEC), la Société de développement du secteur privé, ITFC- en est la meilleure preuve.
Aujourd’hui nous avons de très fortes relations avec le privé en Afrique, en particulier à travers les banques –africaines et arabes- qui y opèrent. Et nous avons divers programmes destinés tant aux grandes sociétés qu’aux petites et moyennes entreprises.
Par exemple, l’année dernière (en octobre 2018) nous en avons lancé un au Burkina Faso visant le développement des PME (ITFC SME Development Program).
Ce programme vise à améliorer l’utilisation des outils, en particulier les financements d’ITFC. A quels problèmes êtes-vous confrontés dans ce domaine ?
Le tissu économique est souvent constitué à 80% de petites et moyennes entreprises, qui sont le plus grand employeur. Un pays ne peut pas diversifier son économie s’il n’a pas de PME solides.
Il y a certes des success stories. Mais, malheureusement, nombre de ces entreprises souffrent beaucoup, et pas seulement dans les pays membres du groupe de la BID.
Alors qu’elles ont besoin d’accéder aux marchés et aux financements, les PME n’y parviennent pas toujours. Et le tord est partagé.
Par exemple, au Burkina Faso, où le programme ITFC SME Development Program a été lancé, nous avons constaté que l’utilisation des lignes de financement confiées aux banques est très faible. D’abord, parce que les PME ne sont pas en mesure de présenter des dossiers bien ficelés et complets concernant des projets bancables.
Car confrontées à de nombreux problèmes, notamment en matière de gouvernance.
Ensuite, parce que les banques, elles aussi, ne sont pas en mesure de dialoguer avec ces sociétés, en ont peur et préfèrent avoir pour clients les grandes sociétés aux bénéfices très importants.
C’est pour cette raison que le programme que nous avons mis en place vise à renforcer les capacités des PME afin qu’elles soient capables de traiter avec les banques.
Malgré les efforts des pays et des agences multilatérales et régionales –comme ITFC-, les échanges commerciaux entre pays africains –mais aussi entre eux et les pays arabes, et les pays islamiques- demeurent très faibles et très en deçà de leur niveau au sein d’autres ensembles régionaux. A quoi cela est-il imputable ?
Comme cela a été expliqué lors du forum sur le secteur privé, l’intégration régionale est, pour diverses raisons, insuffisante. Cette situation est imputable à des différences de niveau entre pays, au déficit en matière d’informations -que nous essayons de combler avec la création de plateformes régionales pour faciliter l’accès aux marchés- qui fait que les pays ne se connaissent pas bien, et –et ce problème ne concerne pas que l’Afrique-, au fait que le système commercial mis en place ne favorise pas les échanges Sud-Sud.
L’observation faite durant le forum par le président d’Afriximbank (Benedict Oramah) est tout à fait pertinente : pour exporter vers des voisins ou en importer, certains pays doivent passer par l’Europe.
Pour objectif de changer cette situation, la Banque islamique de développement s’attelle à consolider l’intégration régionale, en investissant notamment dans les infrastructures.
Aujourd’hui, à l’ère de la technologie, le focus est mis sur les plateformes d’information et les capacités logistiques. Nous sommes en train de terminer une étude portant sur la mise en place de plateformes logistiques en Afrique afin de favoriser l’augmentation des échanges commerciaux qui, actuellement, se situent dans une fourchette de 10 à 12%.
Entre les pays maghrébins, ce taux ne dépasse pas les 3%, alors que leurs échanges avec l’Europe représentent 75 voire 80% de leur commerce.
Propos recueillis par Moncef Mahroug