Homme au long et très riche parcours, Mohamed Ennaceur croyait, peut-être, et d’autres probablement avec lui, que sa carrière politique avait culminé avec son accession à la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et qu’il allait, pouvait-on penser, faire valoir ses droits à une retraite bien méritée, après la fin de l’actuelle législature, en novembre prochain.
Mais la volonté divine en a décidé autrement. L’aggravation de la maladie du président Béji Caïd Essebsi puis son décès, le 25 juillet 2019, ont rendu réel un scénario qui paraissait hypothétique jusqu’à il y a quelques semaines : l’accession de Mohamed Ennaceur à la magistrature suprême en tant que président intérimaire, -conformément à l’article 84 de la Constitution qui stipule que c’est le président de l’Assemblée des représentants du peuple qui est immédiatement investi des fonctions de président de la République, en cas de vacance définitive à la tête de l’Etat- pour une période de 45 jours au minimum et 90 jours au maximum, durant laquelle il est appelé notamment à organiser l’élection du successeur du premier président démocratiquement élu dans l’histoire de la Tunisie.
Le président de l’ARP, qui a prêté serment cinq heures après l’annonce du décès du président Béji Caïd Essebsi, le sait pertinemment : la présidence intérimaire ne sera pas pour lui un exercice de tout repos. Elle est porteuse pour lui d’au moins deux défis –politiques- de taille : le sort la loi électorale amendée, votée par l’ARP, validée par l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des lois, mais rejetée par le président défunt.
La loi électorale amendée, d’abord, Il n’est pas exclu que ceux qui l’ont promu et fait voter –essentiellement les plus importants partis de la coalition gouvernementale, Ennahdha et Tahya Tounes- puissent revenir à la charge pour essayer de faire signer ce texte par le président intérimaire. Car les deux sont déterminés à barrer la route de la présidence à Nabil Karoui.
Le deuxième défi pourrait se poser à Ennaceur en rapport avec la date des élections tant législatives que présidentielles, suite au décès du président Caïd Essebsi.
D’après la Constitution, l’intérim de Mohamed Ennaceur doit prendre fin au plus tôt au bout de 45 jours et au plus tard 90 jours après sa prise de fonction comme président intérimaire. Donc, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) se voit contrainte de tenir compte des délais constitutionnels et d’organiser l’élection présidentielle (prévue pour le 15 septembre) avant les législatives.
Or, il faut se rappeler qu’il y a cinq ans, Ennahdha a tout fait –et y est parvenue- pour que les élections législatives aient lieu avant la présidentielle. Car celle-ci lui permet, forte de son avance aux législatives, de monnayer à fond son soutien aux candidats à la présidentielle. Et il y a fort à parier que le parti islamiste fera tout pour que ce schéma ne change pas. Et que ses adversaires se dépenseront tout autant pour que les électeurs puissent élire le successeur de feu Béji Caïd Essebsi avant de choisir leurs nouveaux représentants à l’ARP.
Moncef Mahroug