Depuis sa nomination comme gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, en février 2018, Marouane El Abassi s’affirme au fil des jours comme un acteur incontournable de l’économie du pays, particulièrement en tant que monétariste innovant.
Marouane El Abassi s’est distingué au XVème colloque international sur l’”Efficacité des politiques économiques” qui vient de se tenir à Hammamet. Dans une communication, le gouverneur de la BCT a dressé un bilan de l’économie tunisienne depuis 2011.
Principal diagnostic : une faible croissance
Globalement, au cours de cette période, le gouverneur de la BCT estime que l’économie tunisienne a été prise au piège d’une faible croissance.
Il en énumère les causes : faible activité économique, maintien du chômage à des niveaux élevés, tensions sociales persistantes surtout dans les sites de production, détérioration de la composition des dépenses publiques et déséquilibres externes élevés.
Sur ce dernier point, le gouverneur de la BCT rappellera le dérapage très préoccupant du déficit courant (11,2% du PIB contre 10,2% en 2017) qui résulte d’un déficit commercial abyssal, tiré notamment par la hausse de la facture énergétique (augmentation des prix internationaux et baisse de la production nationale).
La balance des services et celle des transferts ont faiblement contribué à l’atténuation des pressions sur le solde courant, a-t-il noté.
Toujours au rayon des déséquilibres externes, il a cité l’aggravation du déficit courant de la balance des paiements. «Ce déficit a engendré une érosion des réserves de change et une accentuation des pressions sur le taux de change du dinar…», a-t-il expliqué.
Il a également évoqué la dégradation de la note souveraine et la difficulté d’accès aux marchés internationaux. Cette nette dégradation de la notation souveraine est générée, selon lui, par l’instabilité politique, sociale et sécuritaire et la détérioration des indicateurs macroéconomiques-clés.
Marouane Abassi a fait une mention spéciale pour l’accentuation du besoin des banques en liquidité. L’«une des conséquences de la détérioration des équilibres macroéconomiques, c’est l’augmentation, sans précédent, du refinancement accordé par la BCT aux banques».
Autres diagnostics : depuis la révolution, les taux d’épargne et d’investissement ont beaucoup baissé, se traduisant par un gap qui s’élargit d’année en année. A signaler, également, la hausse de l’endettement de l’Etat (plus de 75% du PIB) ; les hausses des salaires dans les secteurs public et privé n’ont pas été accompagnées d’une reprise de la production ; sans oublier la résurgence des tensions inflationnistes. «L’inflation globale, a-t-il relevé, s’est établie à 7,3% en 2018, avant de revenir à 6,9% en avril 2019».
Malgré cet apaisement, note-il, les principaux indicateurs laissent entrevoir une persistance des tensions inflationnistes au cours de la période à venir.
Comment s’en sortir ?
Pour y remédier, il estime que le principal défi de la politique monétaire pour la période à venir consiste à juguler les tensions inflationnistes qui se profilent à l’horizon et à contribuer à la restauration d’une croissance saine, durable et inclusive.
Sur le plan macro-économique, il a évoqué un certain nombre de pré-requis à réunir, à savoir :
– Des décisions basées sur un bon diagnostic économique et conjoncturel et des statistiques fiables et de qualité.
– Des stratégies claires et des instruments bien identifiés des politiques économiques.
– Une bonne coordination des politiques économiques (Policy-mix), voire une meilleure coordination entre monétaristes et budgétistes.
– Un cadre de contrôle et de suivi des structures responsables de chacune des politiques économiques.
– Une indépendance de la Banque centrale dans la conduite de sa politique monétaire.
– Une crédibilité des autorités (monétaire et budgétaire) auprès des agents économiques.
A bon entendeur.