En janvier 2017, au terme d’une mission diplomatique parlementaire de six mois sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb, Jean Glavany, député socialiste proche collaborateur de François Mitterrand, a estimé qu’«un des dangers qui pèsent sur la stabilité de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie résidait dans l’état de santé de leurs dirigeants. Allant jusqu’à les qualifier d’«âgés» et de «malades».
Dans le rapport qu’il avait présenté à l’Assemblée nationale française avec son homologue Guy Tessier (LR), Jean Glavany a été plus précis.
«En Tunisie, le pouvoir est exercé par Béji Caïd Essebsi, bientôt 90 ans (à l’époque, ndlr)», lit-on dans le rapport qui accompagne ce constat par un commentaire : « fragilité extrême».
En Algérie, le rapport s’est contenté de rappeler le spectacle du président algérien Abdelaziz Bouteflika sur chaise roulante. Un accident vasculaire cérébral (AVC) l’ayant frappé en 2013. Depuis, son aptitude à gouverner le pays était régulièrement remise en question.
Au Maroc, le rapport rappelle que Mohammed VI est «un roi malade» atteint d’une maladie «à évolution lente» et qu’il est soigné à coup de cortisone.
Jean Glavany en tire deux conséquences éventuelles. La première est un constat. Le pouvoir au Maghreb tourne autour d’hommes gravement malades et fragiles. La seconde est une projection : «A cause de cet état de fait physique des hommes, il va y avoir des rendez-vous démocratiques imminents», avait-il prévenu.
Abstraction faite de ces détails, la déclaration de Jean Glavany sur les maladies des chefs d’Etat maghrébins avait provoqué, à l’époque, un tollé à Tunis, à Alger et à Rabat. Elle avait été qualifiée de «bourde diplomatique», ce qui avait amené le député français à regretter ses propos.
Cependant, le message est bel est bien passé. Les dirigeants qui gouvernent les trois pays du Maghreb central sont des « cadavres qui bougent».
Les faits ont donné raison à Galvany
Deux ans et demi après, l’Histoire a donné raison au député Jean Glavany et à ses prédictions.
Le 28 avril 2019, le peuple algérien et son armée obligent le président Bouteflika à démissionner et à quitter le pouvoir. Son proche entourage et tous ceux qui s’étaient servis des mandats de Bouteflika sont mis en prison ou en résidence surveillée.
Le peuple algérien, qui manifeste, depuis, chaque vendredi, est déterminé à se débarrasser de la caste corrompue qui a gouverné un pays aussi riche, six décennies durant.
En Tunisie, «le grave malaise» qu’a eu, le jeudi 27 juillet 2019, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a soulevé «un vent de panique sur la Tunisie» et mis le pays «en pleine confusion politique».
Des rumeurs avaient annoncé le décès du chef de l’Etat. Dans un tel cas, le pays entrerait dans une grave crise car la loi portant création d’une Cour constitutionnelle, législation devant combler le vide politique qu’aurait pu générer un éventuel départ du chef de l’Etat, n’a pas été adoptée alors qu’elle devait l’être, selon la Constitution, six mois après les élections générales de 2014.
En dépit du rétablissement du chef de l’Etat, «l’incertitude demeure» dans la mesure où le chef de l’Etat ne disposerait pas, du moins selon des sources concordantes, de toutes ses aptitudes. Pour preuve, il n’a pas signé la nouvelle loi électorale en raison de pressions qui auraient été exercées sur lui par son entourage familial. Et c’est son fils Hafedh qui a endossé l’habit de «porte-parole» de la présidence pour annoncer, en exclusivité, la décision du président.
Cela pour dire, encore une fois, que les mandats des chefs d’Etat malades et âgés ont des conséquences désastreuses sur leurs peuples. Jean Glavany avait raison.
Cependant, en ce qui concerne la Tunisie et l’Algérie (le Maroc est un cas particulier, c’est une monarchie), la faute revient aux peuples qui ont élu ces vieux. Et c’est d’ailleurs pire pour les députés qui détiennent le gros du pouvoir… en tout cas pour la Tunisie.