Un regard d’ensemble sur la qualité et l’efficience des aides au développement apportées à la Tunisie, depuis l’accès du pays à l’indépendance en 1956, par les pays partenaires montre que l’aide chinoise a été l’une des plus bénéfiques pour les Tunisiens.
Néanmoins, cette aide, aussi importante qu’elle soit pour les Tunisiens, équivalait, au départ, pour les Chinois à une simple présence idéologique et physique dans un pays au positionnement géostratégique porteur.
La Tunisie, on ne le dit pas assez, étant le centre de la planète et au carrefour de trois continents (Afrique, Asie, Europe).
Aujourd’hui, compte tenu de la mondialisation farouchement défendue par la Chine avec son mégaprojet la “Nouvelle route de soie“ (NRS) et des grandes opportunités de coopération qui s’offrent dans tous les domaines, elle devrait impérativement s’amplifier et évoluer vers un partenariat stratégique gagnant-gagnant.
Gros plan sur un partenariat futur porteur.
Enclenchée depuis 1964 avec l’établissement de relations diplomatiques entre la Tunisie et la Chine populaire, cette coopération a touché des secteurs où la Tunisie accusait des déficits énormes. Il s’agit de l’hydraulique, la santé, l’infrastructure routière, la culture et la jeunesse et récemment la logistique et le tourisme.
Globalement, les projets réalisés avec l’assistance chinoise ont aidé des centaines de milliers de Tunisiens à vivre mieux, à disposer de l’eau potable, à irriguer leur agriculture, à se protéger contre les inondations, à se faire soigner dans des conditions décentes, à se cultiver, à améliorer leur quotidien.
Canal Medjerda, canal de l’amitié tuniso-chinoise
Fleuron de la coopération dans l’hydraulique, le canal Medjerda, appelé également “canal de l’amitié tuniso-chinoise“, a été mis en exploitation au début des années 80. Cet ouvrage hydraulique permet de transporter, annuellement, 470 millions de mètres cubes d’eau provenant des plus grands barrages du nord du pays (Sidi Salem, Joumine, Sejnene et Sidi Barrek).
Pour saisir l’ampleur de l’utilité de cet ouvrage, le canal fournit de l’eau pour subvenir aux besoins en eau potable des villes de Tunis, du Cap Bon, du Sahel et de Sfax. Ses eaux sont également utilisées pour irriguer les zones agricoles d’El Mghira, Mornag et le Cap Bon et pour recharger des nappes de Khlidia et du Cap Bon.
Toujours dans le domaine hydraulique, la Chine a financé également deux barrages collinaires pour protéger la ville de Tataouine (sud de la Tunisie) contre les inondations.
Et pour ne rien oublier, une de ses entreprises, en l’occurrence la compagnie Power China, est actuellement chargée de construire un barrage au nord-ouest du pays, sur l’oued Mellègue Amont.
D’une capacité maximale de 250 millions de mètres cubes, cet ouvrage, qui sera fin prêt en 2022, est destiné à irriguer les zones agricoles et à protéger leurs populations contre des inondations.
Un millier de médecins chinois ont aidé les Tunisiens à se soigner
Dans le domaine de la santé, environ un millier de médecins chinois spécialisés dans l’acupuncture, radiologie, gynécologie obstétrique, anesthésie-réanimation, et autres, ont travaillé en Tunisie au cours des 45 dernières années.
Ils ont eu le grand mérite de prodiguer de précieux soins à plusieurs dizaines de milliers de patients tunisiens, localisés (à l’exception du Grand Tunis) dans des régions à prédominance rurale et boudées par les médecins spécialistes tunisiens : Jendouba, Sidi Bouzid, Médenine, Kasserine, Kairouan…
Actuellement 32 médecins spécialistes travaillent dans les gouvernorats de Jendouba, Sidi Bouzid, Médenine et Tunis.
Point d’orgue de cette assistance sanitaire, la réalisation en cours d’un hôpital universitaire dans la ville de Sfax, avec une capacité de 300 lits et qui est financé par un don chinois de 30 millions de dollars.
Des centres culturels pour s’épanouir
Au plan culturel, la coopération tuniso-chinoise a été marquée par la réalisation de deux projets phares : le Centre culturel et sportif d’El Menzah 6, inauguré en 1990 et rénové par les Chinois en 2017, et le Centre culturel et sportif pour les jeunes à Ben Arous, dont les travaux de réalisation viennent de démarrer. Ces centres multidisciplinaires contribuent à animer de grandes cités du Grand Tunis et à inculquer aux jeunes de multiples activités artistiques et culturelles.
A signaler également dans le domaine culturel, la construction du siège des Archives nationales et la réalisation, en cours, de la première Académie diplomatique, financée par un don chinois de près de 88,5 millions de dinars ; sans oublier la dotation du Centre Al Khawarizmi, structure spécialisée dans les Technologies de l’information et de la communication (TIC) appliquées à la pédagogie et aux services universitaires d’un Super calculateur acquis à la faveur d’un don chinois de 30 millions de dinars.
Infrastructures…
Dans le domaine de l’infrastructure routière, la Chine a financé d’importantes routes régionales dont celle qui relie actuellement Ain-Draham à Amdoun au nord-ouest.
On la surnomme d’ailleurs “la route des Chinois“, tout comme une autre route à l’ouest de Tunis.
Peu de Chinois visitent la Tunisie
S’agissant du tourisme, les flux de touristes chinois, en dépit d’incitations instituées à cette fin par la Chine et la Tunisie, sont encore timides. Seulement environ 20 000 Chinois visitent, chaque année, la Tunisie.
A défaut de programmer des vols directs sur la Chine, la Tunisie est en train de s’organiser pour attirer une partie des touristes chinois qui visitent l’Europe.
Dans cette optique, un tour-operator européen spécialisé sur le marché chinois organise déjà des circuits, «Rome-Carthage» ou «Sur les traces d’Hannibal».
Investissement…
Au chapitre de l’investissement, René Trabelsi, ministre du Tourisme et de l’Artisanat, a révélé que «des investisseurs chinois sont venus le voir pour l’informer de leur souhait d’investir en Tunisie». Plus exactement, ils veulent, selon ses dires, «construire des hôtels de luxe adaptés aux spécificités de la clientèle chinoise».
La valorisation du Pôle économique de Zarzis, un avant-goût d’un futur partenariat plus approfondi ?
Au rayon de la logistique, les Chinois sont engagés dans le projet du Pôle économique de Zarzis (sud de la Tunisie). Ce projet, qui a l’air de constituer un avant-goût de ce que pourrait être un jour un partenariat géostratégique entre la Tunisie et la chine, a pour composantes : un pont qui relierait El-Jorf de Boughrara à la délégation d’Ajim à l’île Djerba, un pôle technologique, un projet de la ligne ferroviaire Médenine-Zarzis (70 km), une zone logistique à Ben Guerdane, un parc d’activités économiques à Zarzis (port, ligne ferroviaire Zarzis-Médenine, bâtiments…).
Seule zone d’ombre dans ce partenariat tuniso-chinois, le déficit commercial au détriment de la Tunisie, lequel déficit ne cesse de s’aggraver au fil des années. Néanmoins, les Tunisiens ne doivent en vouloir qu’à eux-mêmes. Au temps de la dictature de l’ancien régime (1987-2010), des importateurs véreux, de concert avec des hauts cadres corrompus, ont conçu le libre-échangisme seulement en termes d’intérêt étroits d’enrichissements individuels favorisant plus l’importation que l’exportation de produits locaux.
Ce dysfonctionnement pourrait être renégocié pour peu que les deux pays s’engagent dans un partenariat stratégique dans le cadre de la Nouvelle route de soie (NRS). C’est l’objet de notre deuxième article (qui suivra).
Lire aussi: Tunisie – Chine : Pour un partenariat géostratégique pérenne (2/2)