Entamée, il y a exactement 55 ans, la coopération tuniso-chinoise a certes permis aux Tunisiens de résoudre des problématiques développementales court et moyen-termistes adaptées aux besoins immédiats de la Tunisie, mais elle n’a jamais évolué au stade d’un partenariat géostratégique. Le moment n’était pas le moment.
Mais aujourd’hui, avec l’avènement du mégaprojet planétaire chinois, la Nouvelle route de soie (NRS), dense réseau intercontinental de voies de communications (routes, rail, voies maritimes, ports, aéroports, pipelines et gazoducs), la Tunisie, qui a adhéré à cette initiative, avec son positionnement géostratégique idéal au centre du monde, peut y jouer un rôle déterminant.
L’objectif est de faire de la Tunisie, pays au territoire pratiquement vierge et aux ressources naturelles mal ou sous-exploitées, un hub international multidimensionnel, voire un carrefour d’affaires et de dessertes, entre trois continents : l’Afrique, l’Europe et l’Asie.
La Tunisie, un site idéal dans la logistique de la NRS
La Tunisie, pays si pauvre par l’effet de l’incompétence de sa gouvernance mais si riche par son potentiel aux yeux des stratèges internationaux, dispose de tous les atouts pour attirer dans le cadre d’un partenariat win-win des investisseurs privés publics et chinois.
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Concrètement, les Tunisiens peuvent proposer aux Chinois, sous forme de concessions de 50 ans et selon un cahier des charges bien négocié –bien négocié- devant garantir, en priorité, le respect de l’environnement, plusieurs mégaprojets.
Logiquement pour une si grande puissance, nous devons apprendre à rêver et à opter pour les mégaprojets du type la construction de ports en eau profonde : l’un est déjà programmé à Enfidha au centre du pays, mais on peut déjà penser à deux autres, un à Cap Sarrat (nord-est) et l’autre à Skhira (centre-est de la Tunisie). Le marché d’une telle logistique est porteur en Méditerranée, en dépit de la concurrence de groupes français (CMA-CGM) qui utilisent Malta Freeport, port franc situé au sud de Malte et dédié au transbordement des conteneurs.
Ne proposer aux Chinois que des mégaprojets structurants
Toujours à titre indicatif, la Tunisie peut confier aux Chinois la valorisation des 60 îles et îlots que compte le pays, outre l’exploitation, toujours sous forme de concessions, des eaux territoriales dont la superficie équivaut à celle du pays sur le continent. Les observateurs internationaux se sont constamment interrogés sur cette fâcheuse tendance des Tunisiens à tourner le dos à la mer et à négliger cette richesse exploitable à portée de main.
Les Tunisiens peuvent, également, proposer aux Chinois la reconstruction du réseau ferroviaire du pays, plus de 2 000 km à rénover et à adapter aux normes internationales.
En matière de transport aérien, la construction sous forme de concession d’un aéroport international en plein désert peut être proposée aux investisseurs chinois.
Le sud tunisien comme hub de transport international
A la limite, on peut leur suggérer l’exploitation des aéroports sous-utilisés comme ceux de Tozeur ou de Remada converti récemment en un aéroport civil.
Le sud de la Tunisie, en tant que site idéal pour la desserte de destinations vers l’Amérique du Nord, l’Asie ou l’Europe, pourrait motiver les investisseurs chinois. Les compagnies aériennes peuvent y utiliser des aéroports à des coûts extrêmement compétitifs avec des gains de temps énormes.
Pour des raisons de coût et de compétitivité des prix, les Tunisiens gagneraient à intéresser les Chinois à des mégaprojets dans le domaine des énergies vertes et du dessalement d’eau. L’investissement dans les énergies vertes étant devenu un impératif en raison du déficit énergétique qui grève le budget de l’Etat tunisien.
De son côté, le dessalement de l’eau de mer peut être exploité par le bais de l’énergie solaire pour remédier au stress hydrique dont souffre le pays, et surtout pour recharger les nappes phréatiques, verdoyer le Sahara tunisien et irriguer de nouvelles oasis artificielles à créer en plein désert. Les Algériens y pensent déjà.
Dans le domaine des matières premières, la Tunisie engrange d’importantes réserves de phosphate exploitables jusqu’au 22ème siècle. La Chine, dont les gisements seront épuisés, d’ici 2040, selon Kais Daly «monsieur phosphate», serait très intéressée par le gisement de Sra-Ouertane au nord-ouest de la Tunisie.
Certains pourraient s’inquiéter des sources de financement, les Chinois en ont suffisamment les moyens, particulièrement un réseau d’établissements financiers opérationnels dont la Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures, le Fonds de Route de la Soie et la Nouvelle Banque de développement des BRICS (acronyme anglais pour désigner un groupe de cinq pays émergents -Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
In fine, nous nous pouvons dire que ce ne sont là que quelques mégaprojets qui pourraient attirer les investisseurs publics et privés chinois dans la cadre d’un partenariat stratégique gagnant-gagnant et au cas où les Chinois retiendraient le site Tunisie comme un levier et une composante déterminante de sa Nouvelle Route de soie.
Pour les Tunisiens, toute la stratégie à mettre au point est de disposer de négociateurs compétents, stratèges et patriotes. Malheureusement, au regard de la qualité des gouvernants actuels, des binationaux voire des sbires aux ordres de pays européens, et au regard de la mauvaise qualité de la population tunisienne, ces scénarios de co-développement stratégique avec la Chine demeurent fictifs mais réalisables, sur le long terme. Il faut laisser le temps au temps.
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