“Une trentaine de propositions concrètes et réalisables à court terme” visant à sauver l’économie tunisienne, actuellement en crise, ont été présentées, jeudi 29 août à Tunis, par les économistes Hakim Ben Hammouda, Zouhour Karray et Houssem Eddine Chebbi.
Il s’agit de 32 propositions formulées dans un livre bleu élaboré par 70 économistes tunisiens exerçant en Tunisie et à l’étranger et reconnus à l’échelle internationale par leurs compétences. C’était dans le cadre de l’initiative “ECON4 TUNISIA” (Economie pour la Tunisie), a souligné Hakim Ben Hammouda lors de la conférence de presse.
” L’objectif étant de remettre les questions économiques au cœur du débat public pour pouvoir relancer l’économie tunisienne actuellement, en crise “, a-t-il dit, estimant que la majorité des programmes électoraux des candidats à la présidentielle ou aux législatives n’ont pas donné l’intérêt qu’il faut aux défis économiques.
De son côté, Zouhour Karray a insisté sur l’opérationnalité des propositions présentées qui sont réalisables à court terme…
Le livre bleu, dont la réalisation a commencé depuis le 07 juillet dernier, sera présenté demain vendredi aux candidats à la présidentielle et aux législatives de 2019, ainsi qu’à tous les acteurs politiques afin de les pousser à faire de ces questions et propositions des sujets essentiels de discussions, avec la vocation d’inspirer l’action des pouvoirs publics après les élections, a souligné Hakim Ben Hammouda.
” C’est un livre qui reflète la volonté des auteurs de rompre avec les choix conventionnels qui ont marqué nos politiques économiques ainsi que celle de mettre l’imagination au pouvoir et de l’audace dans l’action politique et économique “, a-t-il dit.
Ce livre bleu exprime l’engagement citoyen des économistes tunisiens à contribuer dans le débat public et pour nourrir les politiques publiques de propositions et de projets novateurs, ajouter Ben Hammouda.
Les six priorités pour sortir la Tunisie de la crise
Les propositions ont été formulées autour de six grandes priorités pour sortir de la crise économique actuelle et entamer une véritable transition économique.
Ainsi, pour l’initiative ECON4Tunisia, les politiques économiques à venir doivent relever six défis majeurs, à savoir: la stabilisation, le retour de la croissance et de l’investissement, le fonctionnement des marchés, les politiques sectorielles longtemps marginalisées face à l’hégémonie des priorités macroéconomiques, la gouvernance des politiques économiques et la question sociale qui devient une urgence qui pèse lourdement sur la stabilité et la réussite de la transition.
Toutes les propositions obéissent au même canevas et comprennent le contexte, la proposition, les effets, les coûts et les risques, a souligné Ben Hammouda ajoutant que ECON4Tunisia a cherché à mesurer l’impact macroéconomique et les retombées des propositions sur la situation économique.
Pour la stabilisation, les économistes proposent une fiscalité plus juste et efficace pour réduire le déficit public avec notamment “la réduction de la pression fiscale à 15% et le maintien de la stabilité des taux d’imposition pour au moins” outre une maîtrise urgente du déficit commercial, une politique économique cohérente pour contrôler l’inflation, l’accompagnement des politiques monétaires dans la lutte contre l’inflation, le changement de billets comme réponse à la contrebande, au blanchiment et au financement du terrorisme.
Pour la relance de la croissance et de l’investissement, les experts recommandent le renforcement des IDE en portefeuille et l’accélération de la réforme des entreprises publiques.
Pour une plus grande efficacité des marchés, l’initiative propose une plus grande résilience du système bancaire, une Banque centrale plus active dans le soutien à l’économie et l’amélioration de l’efficacité du marché du travail pour favoriser l’emploi. Il s’agit également de repenser la politique du taux change, d’assurer une plus grande ouverture du marché obligataire domestique aux investisseurs étrangers, d’accélérer l’introduction des entreprises en bourse et de créer une Bourse Africaine des produits et services Agroalimentaires.
Pour ce qui est de l’élaboration de nouvelles politiques sectorielles actives, les experts recommandent la mise en place d’une industrie 5.0 favorable au développement des chaines de valeur et un meilleur positionnement sur les chaines de valeur mondiales.
Ils proposent, en outre, la mise en place d’une politique d’industrialisation efficace en vue d’une transformation structurelle de l’économie, le renforcement de la capacité des entreprises tunisiennes pour tirer profit des chaines de valeurs mondiales, de nouveaux choix en matière de développement agricole, la révision de la politique de soutien du secteur agricole pour préserver le métier d’agriculteur et améliorer la compétitivité structurelle du secteur en Tunisie.
Il est aussi recommandé d’accélérer l’indispensable transition énergétique, mettre en place de la révolution numérique et faciliter les échanges à travers la réduction des coûts de transaction des échanges internationaux afin de renforcer la compétitivité et réduire les prix pour les consommateurs outre le soutien du secteur touristique dans sa transformation.
Par ailleurs, pour moderniser la gouvernance des politiques économiques, il est proposé “de garantir une plus grande cohérence des politiques économiques à travers de nouvelles formes de gouvernance économique. Le Conseil économique national”.
Il s’agit également de limiter les délais de paiement en vue de pérenniser les entreprises et de les aider à se développer, de mettre en place un nouvel organe stratégique pour l’aide à la décision dans le domaine économique, la création d’une agence de gestion de la dette publique et une agence de supervision du secteur bancaire ainsi que la création d’une agence autonome et indépendante d’évaluation des politiques publiques.
Dans le volet social, l’initiative ECON4 Tunisie souligne la nécessité de garantir une école tunisienne équitable, efficace et de qualité, une école de l’espoir, et d’accélérer la réforme du système de retraite en Tunisie.