L’Organisation internationale du travail (OIT) vient de publier un rapport sur la situation du syndicalisme en Tunisie. Globalement, ce document, dont une copie du compte-rendu est parvenue à webmanagercenter, appelle le ministère des Affaires sociales à consacrer, dans les faits, le pluralisme syndical prévu dans la Constitution tunisienne.
Concrètement, l’OIT invite le ministère à se concerter davantage avec tous les syndicats du pays, sans distinction aucune, afin de définir, d’un commun accord, les critères de la représentativité syndicale dans le pays et lors des conférences de l’Organisation à Genève.
Ce rapport fait suite à une protestation présentée par la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), concernant son exclusion de la délégation des travailleurs cette année, encore, à la 108ème conférence annuelle de l’OIT. «L’organisation protestataire, rapporte le document, fait valoir qu’elle n’a pas été consultée à propos de la désignation de la délégation des travailleurs, en violation de l’article 3 de la Constitution de l’OIT».
Le point de vue du gouvernement tunisien
Avant de publier ce rapport, l’OIT a demandé des éclaircissements au ministère tunisien des Affaires sociales. Selon le rapport, ce ministère a déclaré à l’OIT que «faute de consensus entre les organisations de travailleurs ayant participé aux réunions relatives à la participation à la présente session de la Conférence, le gouvernement n’a eu d’autre choix que d’appliquer le principe de l’organisation syndicale la plus représentative. Le gouvernement indique en outre que les organisations qui ne font pas partie de la délégation des travailleurs n’ont été créées que récemment et ont une faible couverture géographique et sectorielle. Le refus de certaines de ces organisations de participer aux consultations sur la représentativité syndicale s’explique par le fait qu’elles sont convaincues que les critères objectifs dont il pourrait être convenu ne leur seraient pas favorables, du moins pour le moment».
Ces éclairages ne semblent pas avoir convaincu l’Organisation internationale du travail qui note dans son rapport : «L’OIT prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, faute d’accord entre les organisations syndicales, il a décidé d’appliquer le critère de l’organisation la plus représentative et donc de désigner des représentants de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail). Elle constate toutefois que le gouvernement n’a pas fourni d’informations précises sur la conduite des consultations et sur les organisations invitées à y participer, ce qui pourrait donner crédit aux allégations d’absence de consultation formulées par l’organisation protestataire. Lorsqu’il existe plusieurs organisations représentatives, le gouvernement doit rechercher l’accord de toutes ces organisations en assurant la mise en place de véritables procédures de consultation».
Poursuivre les concertations avec tous les syndicats
L’OIT « fait également observer que, même si des consultations ont eu lieu en mai 2018 au sujet de l’élaboration de critères concernant la représentativité syndicale, ce processus n’a pas été mené à terme et rien ne permet donc d’affirmer que l’UGTT est la seule organisation de travailleurs la plus représentative et que les autres organisations ont une couverture limitée et ne peuvent pas représenter des courants d’opinion et secteurs importants».
Et l’organisation de préciser : « En tout état de cause, la commission souligne, comme elle l’a fait à l’occasion des deux dernières sessions de la Conférence, qu’il est important de clarifier la question de la représentativité des organisations de travailleurs en Tunisie ».
A cet égard, ajoute-t-elle, elle tient à rappeler la recommandation faite de longue date au gouvernement par le Comité de la liberté syndicale du Bureau international du travail (BIT) de fixer des critères clairs et préétablis de la représentativité syndicale en consultation avec les partenaires sociaux.
En conclusion, l’OIT invite le ministère des Affaires sociales à « poursuivre ses efforts en vue d’élaborer des critères objectifs et vérifiables, de manière à obtenir une image fidèle de la situation des syndicats dans le pays. Elle s’attend aussi à ce que le gouvernement s’emploie activement à dégager un accord entre les organisations de travailleurs, de sorte que la délégation à la prochaine session de la Conférence soit désignée en toute transparence et dans le cadre de consultations en bonne et due forme, en conformité avec l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l’OIT».