Un rapport du Réseau des ONG arabes pour le développement (plus de 50 ONG) a qualifié les politiques adoptées par les gouvernements de la région en matière de garantie du droit à l’alimentation d’”ineptes”. Ces gouvernements sont responsables de la perte de leur souveraineté alimentaire et sont incapables de se rattraper étant donné que “les remèdes dont ils sont fiers ne sont plus efficaces”, tacle le rapport.
“La région arabe importe le tiers de la quantité de céréales échangés dans le monde, ce qui est de nature à renforcer sa dépendance aux marchés mondiaux et aux multinationales qui ont la main mise sur l’alimentation dans le monde”, note le rapport intitulé “Le droit à l’alimentation 2019” présenté cette semaine lors d’un atelier régional à Tunis.
Les auteurs du rapport affirment également que les politiques agricoles adoptées dans tous les pays arabes ont été désarmées durant les trois dernières décennies.
Ainsi, malgré la crise de l’alimentation et son impact sur la région “aucune politique régionale ou stratégie n’a œuvré à activer les possibilités de complémentarité agricole et alimentaire” dans le monde arabe.
Selon les statistiques présentées lors de l’atelier, environ 70% des marchés mondiaux sont monopolisé par 4 multinationales alors que 10 compagnies internationales ont la main mise sur le marché des semences et sur 80% de celui de pesticides outre l’emprise de 10 sociétés sur le tiers de l’alimentation produite dans le monde alors que la part de l’individu de la superficie agricole ne dépasse pas le 0,18% dans la région arabe.
Cependant, au lieu de s’occuper des petits agriculteurs, des cultures à sec et de l’agriculture organique, les stratégies des pays arabes dans ce domaine étaient axées sur l’utilisation des pesticides, des semences hybrides et sur le pompage de quantités très importantes d’eau alors que le stress hydrique menace l’avenir de la population de la région.
D’après les statistiques de l’Institut international de gestion des ressources en eau (IWMI), 13 pays arabes connaissent, actuellement, un grave stress hydrique, dont 5 pays ont un stress hydrique très sévère, contre un faible stress hydrique dans 4 pays.
A cet égard, vers 2040, pas moins de 16 pays arabes connaîtront un stress hydrique aigu, dont 5 pays figureront au premier rang des classements internationaux dans ce domaine.
Les dix rapports nationaux présentés dans le cadre de “l’Observateur des droits sociaux et politiques dans le monde arabe” (celui de la Tunisie n’y figure pas), ont convenu à l’unanimité que les pays arabes ont suivi les grandes nations dans leurs politiques de la promotion de l’agriculture destinée à l’exportation, ce qui a marginalisé et détruit le secteur agricole local.
La production est par conséquent, orientée vers la satisfaction des besoin du marché au lieu de satisfaire les besoins locaux et l’alimentation s’est transformée en marchandise et en arme.
L’absence de la démocratie et de justice dans le système mondial a exacerbé la crise alimentaire et a permis à quelques sociétés et pays dotés de pouvoir politique, militaire et économique fort, d’avoir la main mise sur l’alimentation, l’agriculture et le commerce dans le monde.
De même, le rapport a noté la faible représentation des pays en développement et des pauvres du monde, y compris les petits agriculteurs, les agriculteurs et les consommateurs des produits alimentaires dans les institutions internationales, ce qui ne leur permet pas de faire entendre leur voix.
Pire, Ils sont représentés par des gouvernements, dont les décisions ne sont pas autonomes et qui tirent profit de la rente de la mondialisation néolibérale sous différentes formes.
Les structures de la société civile actives dans le renforcement de la souveraineté alimentaire, la lutte contre la mondialisation et le libéralisme sauvage ont fermement condamné, dans le rapport, l’emprise du capital étranger sur les pouvoirs des pays pauvres et l’appauvrissement de leurs agriculteurs. A cet effet, plusieurs milliards de dollars ont été investis dans la spoliation des terres.
Par ailleurs, les experts ont rappelé lors de l’atelier la déclaration des Nations-unies sur les droits des agriculteurs adoptée, le 17 décembre 2018, ainsi que le lancement de la décennie mondiale de l’agriculture familiale le 27 mai 2019, appelant à reconnaître les petits exploitants, en tant que gardiens d’un régime alimentaire alternatif et ce en les plaçant au centre de toute stratégie économique, de transition ou de libération dans le monde arabe.
Cet atelier régional, qui a duré deux jours (2 et 3 septembre), a été organisé par le Réseau des associations arabes non gouvernementales pour le développement (ANND), en coopération avec l’ATFD (Association tunisiennes des femmes démocrates).