Lors des trois débats présidentiels organisés les 7, 8 et 9 septembre 2019, par la chaîne publique Al Wataniya 1, les candidats à la magistrature suprême ont été particulièrement interpellés sur l’approche qu’ils se font du Conseil de sécurité national (CSN), un outil de présidentialisation par excellence.
Dans leurs réponses aux questions des journalistes, les candidats à la présidentielle ont été presque unanimes pour aller au-delà de la simple recommandation d’une révision profonde de cette institution et à l’élargissement du concept de sécurité dans le pays.
Pour eux, la sécurité ne doit plus relever de l’unique responsabilité des porteurs d’armes (police, garde nationale, militaires, douaniers…) et des services de renseignement. Elle doit transcender le simple volet sécuritaire classique, celui que les Américains dénomment «Home land security» et englober toutes sortes de nouvelles menaces qui pèsent sur la Tunisie.
De nouvelles menaces sur la Tunisie
Il s’agit entre autres du terrorisme, crime organisé, cybercriminalité, blanchiment d’argent, corruption, déficit alimentaire, déficit hydrique et énergétique, réchauffement climatique, pauvreté, délinquance (braquages), drogue, contrebande, évasion fiscale, trafic d’objets archéologiques…
C’est ce que les pays industrialisés et les agences spécialisées des Nations unies (ONU) appellent «Overall security», ou “sécurité globale“.
Ce nouveau paradigme né avec la mondialisation et l’effacement des frontières par l’effet des technologies de l’information et de la communication (TIC) exige de chaque «Etat de prévenir et d’assurer à l’ensemble de ses citoyens un niveau maximum de sécurité face aux risques et menaces, de façon à permettre la protection des habitants, la pérennité des activités collectives et individuelles, avec un maximum de résilience».
Les pistes à explorer pour remédier aux vulnérabilités
Pour y parvenir, les candidats à la présidence de la République ont suggéré, pour le volet purement défense et sécuritaire, de «désidéologiser» les forces de sécurité du pays, de les professionnaliser, de les perfectionner de manière continue, de les doter d’équipements modernes moins coûteux (caméras pour la sécurité urbaine, drones pour l’armée…).
Mention spéciale pour la création de deux agences, l’une spécialisée dans les renseignements et l’autre dans la lutte contre la cybercriminalité. L’ultime objectif étant de permettre à nos forces de sécurité d’anticiper et d’agir.
Pour les autres composantes de la sécurité globale, voire les dimensions culturelles, environnementales, culturelles, sociétales et autres, les candidats ont suggéré «de construire un nouveau système de sécurité pluridisciplinaire, souple et innovant face aux défis sécuritaires d’aujourd’hui et de demain».
Les propositions formulées consistent à mettre en place des stratégies complémentaires devant assurer, en urgence, la sécurité alimentaire, la sécurité hydrique, la sécurité énergétique, la sécurité environnementale, la sécurité patrimoniale (lutte contre le pillage des sites archéologiques)…
Il s’agit de vulnérabilités structurelles qui, bien qu’elles ne constituent pas des problèmes d’ordre public ou judiciaire, peuvent, toutefois, accroître la défiance des citoyens envers les pouvoirs publics et les entreprises, et surtout générer des débordements insurrections dévastatrices.
Associer la société civile
L’Observatoire tunisien de la sécurité globale (structure citoyenne apolitique ayant vocation à valoriser les études et les recherches sur la sécurité globale) pourrait être d’un grand apport pour le Conseil national de sécurité. Car sa mission est justement de décloisonner la perception et le traitement des problèmes de sécurité, et de former une nouvelle pensée donnant corps au concept de sécurité globale.
Cela pour dire au final que cette prise de conscience des candidats à l’élection présidentielle de l’enjeu de conférer à la sécurité une dimension globale et de s’engager, devant plus 3 millions de spectateurs, à la réaliser est fort positive.
Elle donne un avant-goût sur le socle de valeurs et des dénominateurs communs qui peuvent unir, dans l’avenir, les Tunisiens toutes sensibilités idéologiques confondues.