Depuis l’ouverture des inscriptions aux élections présidentielle et législatives, un climat de réticence et d’incertitude règne sur la société tunisienne. Submergé par l’anxiété à l’égard de la conjoncture du pays et l’envahissement de la scène politique par la cohue des divers clivages, la population est demeurée perplexe à l’égard du scrutin du 15 Septembre.
“ – Tu vas voter pour qui?
– Aucune idée, je me sens perdue…J’ai l’impression que la décision s’avère plus pénible, cette fois-ci… Et toi?
– Je n’arrive pas à faire un choix, non plus. C’est délicat, j’avoue”.
Tout a commencé par cette conversation triviale, autour d’un café, entre deux amis, Sarra Ezzine, une étudiante de 23 ans et Mohamed Ghedira, un jeune médecin interne de 25 ans. Ils ont commencé par se poser des questions sur le nombre des citoyen qui sont dans cette situation; une bonne partie de l’électorat, pour qui le concept de la démocratie en soi est ésotérique, se trouve perdu face à l’inflation de candidats.
Ainsi, Mohamed Ghedira a proposé l’idée d’un comparateur de programmes électoraux des différents candidats, par la suite, afin de peaufiner davantage le concept et de rendre l’outil plus interactif, Sarra a suggéré la formule Quizz.
L’idée était d’inciter les 26 candidats à répondre à 45 questions élaborées par l’équipe et qui couvrent une partie des préoccupations des tunisiens et particulièrement les jeunes, en faisant le choix entre “Oui”, “Non” ou “ ne se prononce pas”.
De plus en plus enthousiastes, ils ont commencé à en parler autour d’eux afin de caresser l’idée et tâté le terrain, il ne restait plus que le passage à l’action avec les 3 autres jeunes qui ont rejoint l’équipe.
Afin de concrétiser cette idée, ils avaient besoin de préparer une liste de questions génériques sur un certain nombre de thématiques (économie, libertés individuelles, affaires étrangères,…).
Pour tout peaufiner dans les règles de l’art, ils ont mobilisé une équipe de professionnels autour du projet, dont trois sont experts en IT – qui ont été chargés du développement de l’algorithme qui assure le matching entre les réponses des candidats et les électeurs.
Armés d’une bonne dose d’entrain et d’opiniâtreté, ils ont dispatché les différentes tâches allant de la conception de la plateforme jusqu’au contact des différents candidats et partis.
Un investissement sans faille
Pendant quatre mois, ces jeunes, âgés entre 18 et 35 ans, se sont dévoués corps et âmes et n’ont pas hésité à sacrifier leurs vacances; ils étaient stimulés par leur ferme volonté de participer à repenser les pratiques et à fournir une solution qui pourrait aider leurs compatriotes à bien assimiler les différents programmes électoraux et leur épargner l’incertitude.
“J’étais intéressé par la politique et par l’engagement dans la société civile… Mon objectif ultime était de contribuer à la simplification du processus de choix afin qu’ils soient plus avisés au moment de la prise de décision”, proclame Sarra Ezzine
Critiques et scénarios adverses
Bien que l’initiative soit fortement saluée dès la sortie du teaser, les feedback ne manquaient pas de remontrances et de critiques. Pour commencer, certains ont estimé que l’interprétation qui résulte du quizz risque d’être peu inductive, du fait que le panel des réponses proposées est restreint.
Néanmoins, les initiateurs du concept se justifient, sur ce point, en proclamant que l’aspect binaire adopté lors de l’élaboration des questions du quizz était, bel est bien, voulu, dès le début.
Depuis la naissance de l’initiative, l’objectif de base était la vulgarisation des identités politiques et des intentions des candidats, notamment auprès des jeunes. De plus, lors des différentes interventions des candidats dans les médias, beaucoup ont opté pour des réponses vagues, voire fallacieuses.
En effet, la proximité générationnelle des initiateurs de l’application a favorisé la compréhension du paysage électoral: Frustrés, les jeunes tunisiens se sont en effet lassés des discours illusoires qui ne collent guère avec leurs aspirations et manquent de motivations pour passer leur temps à lire les programmes des candidats.
Afin d’éviter de tomber dans le brouillard de l’incompréhension des profils des candidats, l’équipe de “Chnowa Barnemjek” a intentionnellement conçu les questions d’une manière ponctuelle pour empêcher le candidat interviewé de “tourner autour
du pot”.
En outre, parmi ceux qui ont essayé le quizz, au début de la campagne, certains ont jugé que les résultats qu’ils ont eu ne correspondaient pas avec leurs préférences, ni avec leurs convictions. L’équipe de “Chnowa Barnemjek” explique ce problème par le manque de représentativité du matching fourni par l’algorithme et le résultat biaisé en raison de l’absence des réponses de la moitié des candidats:
En dépit de leurs efforts afin de joindre tous les candidats et les solliciter pour contribuer à l’action, ils n’ont réussi à obtenir des réponses que de la moitié des candidats.
“Nous sommes preneurs de feedback et tenterons de prendre en considération toutes les remarques constructives afin de faire évoluer l’application, notamment pour l’échéance des législatives”, affirme Sarra Ezzine.