Un an après, les motifs du limogeage de Adel Bouhoula s’avèrent infondés.
«Lorsqu’on échoue on est démis». C’est en substance de cette manière que Anouar Maârouf avait justifié le limogeage, il y a un peu plus d’une année –précisément le 15 mai 2018-, de Adel Bouhoula de son poste de directeur général du Centre national d’informatique (CNI).
Pour expliciter son propos, le ministre des Technologies de la communication et de l’Economie numérique avait alors reproché à ce dernier son échec à concrétiser le projet de bulletin de naissance électronique.
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Mais ce n’était pas là la seule raison invoquée par Maârouf pour justifier la mise à l’écart de M. Bouhoula. Le ministre en voulait au professeur de l’enseignement supérieur à l’Ecole supérieure des communications de Tunis (SupCom) pour une autre raison qu’il n’a pas voulu évoquer, du moins en public : son refus de prendre des mesures disciplinaires contre les employés du CNI qui manifestaient quotidiennement contre la création de l’Agence tunisienne de développement numérique (ATDN), voulue et décidée par le ministre.
Or, sur ces deux questions il s’avère, un an plus tard, que l’ancien directeur général du CNI avait absolument et totalement raison.
Le bulletin de naissance électronique, d’abord. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, avait annoncé, le 28 mars 2018, que ce service sera mis en ligne le 16 avril, parce que le ministre des Technologies de la communication et de l’Economie numérique lui avait dit que cela peut être fait, et qu’une démonstration en avait été faite le 28 mars 2018 par le directeur général du CNI.
Mais Adel Bouhoula n’est pas de cet avis. Au ministre qui lui avait intimé l’ordre de réaliser ce projet, il explique que c’est impossible pour la simple raison qu’il y a tout un monde entre la démonstration du service du bulletin de naissance électronique et son lancement officiel. Car il y a une contrainte insurmontable en seulement quelques jours : la sécurité informatique.
La démonstration avait été faite en prenant un risque calculé et maîtrisé sur ce plan là puisque l’opération était de courte durée. Mais en faire une dans la durée est proprement inconcevable, avait défendu le directeur général du CNI, car sans filet sécuritaire protecteur, la base de données de l’Etat risquait fort d’être piratée. C’est pour cette raison que le directeur général démis du CNI a refusé d’obéir à l’ordre de son ministre de mettre en ligne le service du bulletin de naissance électronique «à n’importe quel prix».
Mécontent que le directeur général du CNI ne l’ait pas écouté, le ministre décide alors de le limoger, en s’abstenant de dévoiler la vraie raison de sa décision et en prétendant que Adel Bouhoula a été remplacé à la tête de cet organisme pour cause d’incompétence. Une version démentie par les faits puisqu’un an après le départ du professeur d’enseignement supérieur, le projet de bulletin de naissance électronique n’a pas encore vu le jour.
Protestation des agents du CNI contre le projet de création de l’ADTN
Mais les divergences entre le ministre et l’ancien patron du CNI ne sont en réalité qu’une des raisons du limogeage de ce dernier. L’autre –elle aussi inavouée par Anouar Maarouf- a trait à un autre refus opposé par M. Bouhoula –là aussi pour de bonnes raisons- à son supérieur hiérarchique.
Confronté à une grève des employés du CNI qui protestaient –et protestent toujours- contre son projet d’Agence tunisienne du développement numérique, le ministre avait demandé au directeur général de prendre des mesures disciplinaires contre les grévistes. Ce que l’intéressé avait refusé de faire.
La majorité des employé du CNI s’opposant à la décision du ministre de créer l’ADTN, il avait préféré éviter de prendre des mesures disciplinaires et essayer de gérer la crise «avec sagesse pour éviter que ne soient entravées les activités vitales du Centre et qui se sont poursuivies normalement, comme les opérations ayant trait au processus électoral (on était à la veille des élections municipales, ndlr), et qui, de l’avis même du président de l’ISIE, se sont déroulées dans les meilleures conditions».
Et là encore, le limogeage de Adel Bouhoula n’a pas eu l’effet que le ministre des TIC escomptait peut-être, puisque, un an après, les employés du CNI sont toujours mobilisés contre le projet d’Agence du développement numérique.
Moncef Mahroug