Ce que Femme veut, Dieu veut ! Et Asma Sehiri Laâbidi, directrice générale de l’Ecole nationale d’Administration (ENA) est bien décidée à faire de son institution un agent de changement et à initier de nouveaux modules de formation portant sur l’immersion de notre élite administrative dans les start-up, incubateurs et entreprises, modules de formation à l’entrepreneuriat social et à la digitalisation et un coaching en leadership et leadership féminin.
L’équipe dirigeante énarque a décidé d’être dans une dynamique avant-gardiste et novatrice, de développer les talents et de doter la Tunisie des moyens pour répondre aux défis d’une mondialisation galopante et d’une économie évolutive et changeante.
Rétrospective d’une institution en marche avec Asma Sehiri.
WMC : Pendant longtemps, l’Administration a été coupée de la réalité économique du pays, les quatre modules que vous avez introduits dans le cursus de formation à l’ENA pourraient œuvrer à changer les donnes pour une meilleure communication entre décideurs publics et opérateurs privés. Sur le plan pratique, comment comptez-vous concrétiser ces engagements sachant que la machine administrative est assez lourde ?
Asma Sehiri Laâbidi : L’Ecole nationale d’administration n’a cessé, depuis sa création en 1949, d’assurer la formation de base et continue des hauts et moyens cadres administratifs pour le compte de l’administration centrale, régionale, locale et les entreprises publiques ainsi que la formation de base des magistrats administratifs et ceux de la cour des comptes.
L’ENA a participé, notamment depuis sa tunisification le 21 juin 1956, à l’édification de l’Etat moderne. Elle a suivi les transformations majeures de l’administration publique tunisienne et a accompagné les réformes économiques, sociales et culturelles induites par la dynamique du développement global de toutes les catégories sociales et différentes générations de la société tunisienne.
Elle a connu, à travers ses 70 ans d’activité, de nombreuse réformes, notamment en 1964, 1983, 1995, 2004, 2007 et 2014 qui ont touché son organisation et ses attributions afin de mieux répondre aux besoins croissants de l’administration publique, tant en termes de formation de base des différentes catégories de fonctionnaires, qu’en matière de développement et renforcement de leurs compétences à travers le système de la formation continue et les cycles de courte durée de perfectionnement des compétences en matière de management public, ainsi que dans le domaine de recherches administratives et d’organisation de séminaires.
L’école aspire aujourd’hui à renforcer la qualité de ses prestations auprès de sa communauté et pour le bien public, et ce à travers le renforcement des connaissances et des compétences, ainsi que par une meilleure appropriation des technologies de l’information et de la communication et des bonnes pratiques en vue d’une administration efficace, ouverte et proche du citoyen et des entreprises.
L’ENA œuvre pour être un lieu d’excellence, ouvert sur son environnement national, régional et international ; participant au rayonnement de la Tunisie et de son administration publique; attractif des talents nationaux et internationaux, investissant dans les outils modernes de renforcement des capacités des ressources humaines de l’administration publique.
Ces modules sont-ils destinés à renforcer la formation des hauts cadres administratifs pour plus d’efficience dans leur gestion des affaires se rapportant au secteur privé?
Les nouveautés qui seront introduites dès la prochaine année dans le cursus de formation à l’ENA prendront la forme d’ateliers de formation et workshops et seront réalisés en collaboration avec les différents partenaires du secteur privé et de la société civile dont notamment Enactus, FOF, Tunisian Start up, OST, CJD, etc.
L’objectif ultime de ces nouveautés introduites dans notre programme de formation est de donner l’occasion aux apprenants de l’ENA (futurs hauts cadres de l’administration qui seront appelés à contribuer à la définition des politiques publiques), de mieux comprendre les spécificités d’une start up, les conditions nécessaires pour sa réussite, ses soucis ainsi que le potentiel économique et d’innovation que l’Etat peut avoir en encourageant ces structures et en leur facilitant les conditions d’exercice de leurs activités.
Ces ateliers de formation permettront aussi à nos apprenants de maîtriser les préalables à mettre en place pour promouvoir l’entrepreneuriat social en tant que moteur d’une croissance économique et sociale intégrée et durable.
Une partie de la formation sera dédiée à l’intelligence artificielle : sa définition, ses implications et son importance pour la société et l’économie.
Dans cet ordre d’idées et afin de mieux comprendre le rôle que doit jouer l’administration avec l’arrivée de la 4ème révolution industrielle, les apprenants auront, à partir de l’année prochaine, une ouverture sur le monde du numérique, notamment le rôle de l’intelligence artificielle dans l’amélioration des performances économiques du pays.
Le partenariat mis en place avec les différentes parties prenantes susmentionnées va permettre ainsi aux apprenants de l’ENA de s’immerger dans des success stories dans le domaine des start-up, de l’entrepreneuriat social et de l’intelligence artificielle, et comprendre ainsi les choses qui leur ont facilité la réussite et les freins et obstacles qu’ils ont rencontrés notamment dans leurs relations avec l’administration.
D’un autre côté, et vu le problème de plafond de verre dont souffre les femmes tunisiennes hauts cadres et qui leur empêche d’accéder suffisamment au poste de décision malgré leur compétence et leur dévouement reconnus par tous, l’ENA, en collaboration avec son partenaire le Forum des fédérations, a ainsi mis en place un programme de renforcement des capacités de tous les apprenants en matière de leadership collectif avec un travail particulier en faveur des apprenantes pour améliorer leur leadership individuel.
Ces différentes nouveautés sont un premier pas vers une réforme structurelle qui portera sur le contenu scientifique et pédagogique de la formation ainsi que les méthodes didactiques employées.
L’un des plus grands problèmes dont souffre le secteur privé en Tunisie est la gestion des marchés publics par l’Administration, depuis l’élaboration du cahier de charge jusqu’à l’octroi du marché. Beaucoup expliquent ces difficultés par l’absence de hautes compétences administratives en la matière. Qu’en pensez-vous ?
Concernant la maîtrise des procédures de passation des marchés publics, des actions de formation importantes sont effectuées en collaboration avec le Haut comité de l’offre publique à la présidence du gouvernement au profit de toutes les administrations centrales et régionales afin de mieux comprendre la nouvelle législation qui réglemente ce domaine surtout avec l’entrée en vigueur de l’obligation de passer par le système Tuneps.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali