La Tunisie a besoin de ressources financières qui se montent à quelque 20 milliards de dollars, pour concrétiser ses engagements en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (41%) et d’adaptation aux changements climatiques. Toutefois, les démarches du pays afin de mobiliser les ressources financières internationales nécessaires restent, pour l’heure, très modestes.

Des experts affirment que 18 milliards de dollars des fonds qui seront accordés à la Tunisie seront affectés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (efficacité énergétique, énergies renouvelables, agriculture…), alors que 2 milliards de dollars seront consacrés à l’adaptation aux changements climatiques (investissements immatériels liés à l’appui et à la diffusion de nouvelles pratiques et la recherche).

Pour le cas de la Tunisie, deux voies se présentent en vue de mobiliser ces ressources. Près d’un tiers de ces fonds, soit 6,5 milliards de dollars, devront être garantis par un financement inconditionnel du budget de l’Etat et/ou par des partenariats, outre l’accès aux financements internationaux disponibles sous formes de fonds (projets, dons, prêts, etc.).

La Tunisie allouera 85% des financements au secteur de l’énergie, dont 40% pour l’efficacité énergétique et 45% pour les énergies renouvelables, le reste étant destiné aux projets et programmes dans les secteurs de l’agriculture, des forets, des déchets solides et de l’assainissement.

Le gouvernement consacrera une partie de l’appui financier international au Fonds pour la transition énergétique, créé en 2014 en tant que mécanisme de mise en œuvre de la politique nationale de transition énergétique.

La Tunisie mobilisera des investissements de l’ordre de 2 milliards de dollars pour réduire et s’adapter aux impacts du changement climatique. Il s’agit, également, de diffuser de nouvelles pratiques et promouvoir la recherche scientifique dans les domaines des ressources en eau, du littoral, de l’agriculture, des écosystèmes, de la santé et du tourisme.

La Tunisie ne prend pas au sérieux le dossier du financement international

En raison du manque d’efficacité de ses projets, la Tunisie n’est pas parvenue à mobiliser l’appui international nécessaire pour obtenir les fonds, notamment de la part du Fonds Vert pour le climat (GCF), a estimé Hammadi Gharbi, responsable au bureau de l’Afrique du Nord à Tunis des projets climat et énergie du Fonds mondial pour la nature (WWF).

” La partie tunisienne souffre d’un dysfonctionnement au niveau de l’élaboration et de la présentation de projets qui peuvent convaincre les bailleurs de fonds internationaux d’accorder les financements au pays “, a déclaré Gharbi.

Dans un entretien accordé à l’agence TAP, le responsable a estimé que les études de projets devraient être en harmonie avec la stratégie climatique de la Tunisie et devraient être élaborées par une structure gouvernementale spécialisée dans les questions climatiques et reconnue par les organismes internationaux.

” De cette manière, l’Etat sera le seul garant du suivi des projets et du financement dans le cadre de la gouvernance et de la transparence financière “, a-t-il encore expliqué.

C’est évident que le climat politique et social tendu a une incidence négative sur les décisions des donateurs, a indiqué Gharbi. Et de rappeler qu’entre 2011 et 2015, la Tunisie n’a pas réussi à soumettre des idées de projets en quête de financement, ce qui reflète, selon ses dires, un ” manque de sérieux ” dans le traitement de ce dossier.

Gharbi a, également, attribué le manque de financement à la faiblesse du processus de négociation du côté tunisien, plaidant pour l’élaboration des projets en anglais, la langue qui permet de s’adresser aux négociateurs et aux financiers.

Adaptions aux changements climatiques 

Le bureau Afrique du Nord du WWF s’est lancé, depuis le mois de février 2019, dans la réalisation du projet ” Mobilisation de la société civile pour renforcer le dialogue autour de l’adaptation aux changements climatiques en Tunisie et au Maroc”.

Selon ses initiateurs, ce projet a pour principal objectif de rassembler les compétences et les capacités afin de lancer un dialogue constructif avec les autorités publiques en Tunisie et au Maroc, avec pour point d’orgue d’encourager la mise en œuvre des politiques et des mesures à même de garantir une adaptation aux changements climatiques.

D’après Gharbi, presque le tiers de ce projet qui concerne les secteurs de l’eau, le littoral et les forêts, a été réalisé à travers l’élaboration d’une étude recensant les associations qui participent au projet (15 associations réparties sur les différentes régions du pays).

Déjà 10 représentants de ces associations ont bénéficié d’une formation de formateurs.

Le projet sera réalisé moyennant un financement accordé par l’Agence française de Développement (AFD) et l’Organisation Mondiale pour la Nature.

L’AFD (Agence française de développement) a récemment lancé un outil de modélisation économique ” GEMMES ” qui intègre l’impact du changement climatique dans les prévisions d’évolution du PIB et de la dette des pays.

Ce nouvel instrument prospectif qui se décline aujourd’hui dans une application en ligne accessible à tous, prendra en considération les enjeux de l’adaptation aux changements climatiques sur l’agriculture et notamment sur le secteur de l’eau.

Les ressources humaines entravent les accords climatiques

L’exécutif tunisien a publié tardivement la décision de créer une unité de gestion par objectif pour mettre en œuvre un programme de suivi et de coordination des activités ayant trait à la concrétisation de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Selon un document du ministère des Affaires Locales et de l’Environnement, dont une copie est parvenue à l’agence TAP, cette unité, dont les travaux peinent à démarrer, nécessite des ressources humaines, logistiques et financières afin d’exécuter ces programmes.

Toujours selon le même document, ” le ministère n’a pas été autorisé à recruter depuis plusieurs années, ce qui l’a obligé à recourir à d’autres services ministériels qui n’ont pas manifesté un intérêt à adhérer à cette unité nécessitant des compétences techniques pointues “.

La politique du ministère de l’environnement vise à renforcer cette unité de gestion par des cadres supplémentaires qui seront recrutés d’une manière progressive parmi ses propres cadres, précise encore le document. Et d’expliquer que le recours aux dons inscrits dans le cadre de programmes de coopération bilatérale et internationale, par le manque de moyens au niveau du budget.

En attendant le financement, l’Unité de gestion par objectif a élaboré un ensemble de projets couvrant plusieurs secteurs moyennant des dons estimés à 20 millions de dollars.

La Tunisie reste l’un des pays les plus exposés au réchauffement climatique, mais le choix de réduire ses impacts qui demeure toujours d’actualité, nécessite seulement une capacité de persuasion pour mobiliser les ressources financières nécessaires.