Isidro Afonso Gonzalez, nommé récemment secrétaire général adjoint de l’Union pour la Méditerranée (UpM) chargé de l’eau, de l’environnement et de l’économie bleue, a pris part au forum de la mer tenu dernièrement à Bizerte (Tunisie), dans le cadre de la saison bleue (juin-octobre).
A cette occasion, nos confrères de l’agence TAP lui ont posé trois questions sur la contribution de l’UpM à l’amélioration de la situation environnementale en Tunisie.
Parmi les objectifs de l’initiative 2020 pour une Méditerranée plus propre, figure l’élimination de 80% des sources de pollution d’ici 2020 ? Où en est l’UpM par rapport à cet objectif ?
Isidro Afonso Gonzalez : La mer Méditerranée est entourée de trois continents et les zones de la région sont souvent traitées inutilement, comme des entités distinctes dans les rapports officiels.
Les études et la connaissance scientifiques ne sont pas équitablement accessibles pour chaque pays entourant cette mer.
L’UpM, dont le but est de contribuer à l’agenda et aux Objectifs de développement durable (ODD), est stratégiquement située en tant qu’organisation intergouvernementale, à la fois pour affronter les menaces communes pesant sur notre environnement et soutenir le développement socio-économique de la région.
Elle préside dans ce sens le Comité directeur Horizon 2020, qui consiste à guider, examiner et coordonner efficacement les activités favorisant le développement durable en intégrant la dimension environnementale. Indéniablement, le plastique est l’un des principaux défis, des études indiquent qu’en 2050, il pourrait y avoir plus de plastique que de poisson dans les mers.
A titre d’exemple, l’UpM s’est impliquée dans le développement d’un plan régional sur la gestion des déchets marins en Méditerranée, comprenant des recommandations pour l’élaboration de politiques dédiées, grâce à un financement de 5 millions d’euros (15,6 millions de dinars) reçu par le programme européen Interreg Med.
Ce projet intitulé “Plastic Busters” se traduira notamment par une implication et une participation renforcée de 50 à 60 experts régionaux des déchets marins et par des campagnes de sensibilisation menées dans au moins 15 pays de la Méditerranée.
L’UpM contribue au projet de dépollution du lac de Bizerte, d’autres sources de pollution encore plus importantes existent malheureusement, en Tunisie, notamment à Gabès et Sfax. Des projets similaires auxquels contribuerait l’UpM pourraient-ils voir le jour en vue de se débarrasser de la pollution chimique dans ces deux villes côtières.
Ces dernières années, les pays de l’UpM ont pu définir ensemble des priorités communes et ambitieuses sur des questions ayant une incidence directe sur la vie quotidienne de nos citoyens. Ces priorités sont ensuite traduites en projets et initiatives concrètes sur le terrain en identifiant les synergies et les domaines de coopération.
Plus de 4 conférences ministérielles et plus de 12 projets de l’UpM sont liés à l’action pour le climat et représentent plus de 2,6 milliards d’euros (8,13 milliards de dinars).
L’UPM inclut toujours un volet pour le climat dans tous ses projets, allant du développement urbain, comme les projets Sfax Taparura, Imbaba (Egypte) ou Izmir (Turquie), aux problèmes environnementaux, comme pour la dépollution du lac de Bizerte ou l’installation d’une usine de dessalement pour la bande de Gaza (Palestine,Territoires occupés).
La mise en place de ces projets a pour vocation première de servir d’exemple au sein même du pays, mais également pour la région dans sa globalité. En partageant leurs expériences, leurs défis, d’autres parties de la région peuvent donc peaufiner et construire de nouvelles initiatives de dépollution.
La dépollution du lac de Bizerte, au nord de la Tunisie, est en effet un point majeur de la pollution de la mer Méditerranée.
Sa dépollution ouvrira également de nouvelles perspectives de croissance et de développement pour cette région de 500 000 habitants. Il s’agit d’un projet phare pour l’UpM qui est évalué à 91 millions d’euros (environ 284,8 millions de dinars) et financé par la BEI, la BERD, la Commission européenne (CE) et le gouvernement tunisien. Indéniablement, les projets comme celui du Lac de Bizerte sert d’exemple et de moteur pour inciter les autres régions à développer et protéger leurs espaces.
Les Tunisiens et les habitants d’autres pays de la région figurent parmi les nations durement touchés par le stress hydrique et les changements climatiques. Comment l’UPM peut-elle apporter une contribution concrète dans ce domaine ?
La Tunisie est un acteur clé en Méditerranée et l’un des acteurs centraux dans tout le processus de coopération euro-méditerranéenne depuis le début. Cela s’est naturellement traduit par le fort engagement du gouvernement, à la fois dans le travail de l’UpM tout au long de ses dix années d’existence et en termes d’appui, par le détachement d’experts qualifiés dans différents domaines et de diplomates de haut niveau.
C’est à cela que nous nous attachons et nous devons continuer à travailler ensemble pour tenir véritablement nos engagements et amplifier nos résultats.
En ce qui concerne l’eau, les ministres en charge de l’eau des Etats membres de l’UpM ont convenu d’un agenda pour l’eau afin d’aider les Etats membres à mettre en œuvre des politiques de gestion de l’eau durables et intégrées, contribuant ainsi aux défis posés à l’agriculture et l’alimentation.
Le programme pour l’eau vise à garantir l’accès à une eau potable saine en tant que droit fondamental, en particulier pour les plus vulnérables.
Dans cette approche régionale, nous prenons également en compte une perspective d’égalité des sexes, la participation active des jeunes, la transparence et une responsabilisation accrue dans le secteur de l’eau. L’adoption d’une approche intersectorielle a constitué un effort constant de l’UpM, dans la mesure où la plupart des problèmes liés en rapport avec l’eau sont étroitement liés.
Quant aux changements climatiques, l’Union accueillera, le 10 octobre 2019, la 4ème édition du Forum régional qui sera l’occasion de présenter les principales conclusions du tout premier rapport scientifique exhaustif sur l’impact de ces changements sur la région méditerranéenne. Ce rapport a été élaboré depuis 2015, par plus de 80 scientifiques de la zone euro-méditerranéenne nommée MedECC (Experts méditerranéens sur le changement climatique et l’environnement).
Au cours du forum, des scientifiques, des décideurs politiques et les parties prenantes clés discuteront des principales vulnérabilités de notre région ainsi que de sa résilience au changement climatique dans les années à venir. C’est seulement avec les informations scientifiques fiables et complètes, que nous pouvons développer des programmes et projets qui fonctionneront.
L’UpM jouit en outre, du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations unies, ce qui lui permet de rencontrer les hauts responsables des Etats membres, des organisations internationales et des agences spécifiques des Nations unies, d’un côté, et de l’autre de porter la voix de la région.
Les rencontres permettent de développer de meilleures synergies et de coordonner le travail et les efforts pour la région avec les différents programmes et organisations onusiens (Femmes, habitat, développement et environnement) en vue de la réalisation des objectifs de développement durable.
La région méditerranéenne a été identifiée comme l’un des principaux lieux sensibles au changement climatique dans le monde en raison de la pénurie d’eau, de la concentration des activités économiques dans les zones côtières et de la dépendance vis-à-vis d’une agriculture sensible au climat.
L’UPM a la responsabilité de mobiliser ses Etats membres et la communauté internationale pour faire face à ces problèmes urgents. La coopération régionale, l’échange d’informations et la cohérence des politiques sont essentiels dans le secteur de l’eau et à la réalisation de l’ODD 6 relatif à l’eau et l’assainissement.