Jacques Chirac aimait la Tunisie et était respectueux de l’Histoire de notre pays. Il se tenait disponible pour les Tunisiens tel qu’il ressort d’une anecdote rapportée (ci-dessous) par Chedly Ben Ammar, fils de Tahar Ben Ammar, figure emblématique du mouvement de lutte nationale et signataire du protocole d’indépendance.
L’ancien président français Jacques Chirac, décédé le 26 septembre dernier, a été inhumé lundi 30 du même mois, avec tous les honneurs que les grands pays réservent à leurs chefs, passés et présents, mais aussi, et c’est plus rare, devant de nombreux anonymes venus lui rendre un dernier hommage, mus par la plus grande émotion. Car Jacques Chirac était aimé, non seulement des Français, mais également de nombreux étrangers, aussi disparates que Bill Clinton, Vladimir Poutine, ou encore cette touriste algérienne qui tenait à être présente pour un dernier salut à ce grand amoureux du Maghreb.
J’eus l’honneur de m’entretenir avec lui dans des circonstances personnelles funestes : mon jeune frère bien aimé Mohamed Ali, dont la santé avait toujours été fragile, venait de décéder à l’hôpital Claude Bernard à Paris en ce 8 juin 1979. Je l’avais accompagné dans ce dernier voyage dont nous espérions qu’il lui sauverait la vie, mais la volonté divine en avait décidé autrement, et je me retrouvais seul dans cette ville étrangère, désemparé, bouleversé, sachant que mes parents, qu’il me fallait encore avertir de ce terrible coup du sort, allaient attendre sa dépouille dans le plus grand chagrin. Je devais me montrer à la hauteur de la situation et veiller au transfert du corps de mon frère de Paris à Tunis, opération administrativement compliquée et qui pouvait prendre deux semaines et plus, alors que la famille attendait, sur des charbons ardents.
C’est alors que me vint l’idée de solliciter Jacques Chirac, maire de Paris, jeune leader du mouvement gaulliste. J’appelai son cabinet et déclinai mon identité : « Je suis Chedly Ben Ammar, fils du Président Tahar Ben Ammar ». A l’autre bout du fil, une voix chaleureuse m’interpelle : « Oui cher ami ! Qu’y a-t-il à votre service ? » – « Je voudrais m’adresser à M. Jacques Chirac », dis-je. « C’est Jacques Chirac en personne à l’appareil ! », rétorqua mon interlocuteur. Je lui exposai alors le problème. « Préparez-vous et arrangez vos affaires en prévision du transfert du corps demain, à bord du vol régulier de Tunis-Air. Je m’occuperai de tous les détails et mettrai à votre disposition mon attaché de cabinet. N’hésitez surtout pas à me contacter en cas de difficulté. Débrouillez-vous pour l’ablution de la dépouille mortelle selon le rite musulman, qui est pour vous important, je le sais », me dit-il me recommandant de m’adresser à la mosquée de Paris à cette fin. J’ai aussitôt appliqué ses recommandations, et toutes les difficultés furent de fait aplanies.
Quarante années se sont écoulées, et aujourd’hui encore, je cultive le souvenir de cette disponibilité, de cette empathie et de cette finesse d’esprit qui sont la marque non seulement des grands politiciens, mais des grands hommes.
Paix à son âme.
Chedly Ben Ammar