Rêver la Médina de Tunis avec des yeux ouverts tournés vers le monde. C’est l’objectif de la 7ème édition du festival Dream City, lequel a investi la ville ancienne de la capitale avec ses créations artistiques où le passé et le présent se croisent pour dessiner un avenir meilleur.
“Gardens Speak”: Tania El Khoury ressuscite la vie brisée des martyrs
Dans ” Gardens Speak ” (les jardins qui parlent) de la libanaise Tania El Khoury, le public vit aux rythmes d’une expérience sensorielle, physique, olfactive et visuelle unique.
Grâce à une installation sonore interactive contenant l’histoire orale de dix personnes tombées en martyrs sous les bombes de la guerre syrienne, El Khoury transporte son public dans les rêves avortés d’une jeunesse syrienne assoiffée de liberté.
A Dribet Dar Hussein, tels des membres de la police judiciaire, dix festivaliers sont invités à enlever leurs chaussures et endosser des capes blanches pour pouvoir entrer dans le jardin intérieur d’une maison syrienne et connaitre ainsi les histoires de dix personnes ordinaires morts au début de la guerre (2011-2012).
Chaque récit a été soigneusement, construit avec les amis et les membres de la famille des défunts afin qu’ils puissent raconter leur histoire comme s’ils étaient les narrateurs. Pour connaitre le récit de chaque martyr, le festivalier est invité à participer activement dans la construction d’une tranche de vie d’un défunt en choisissant une carte avec le nom d’un martyr.
Mustapha Karmani, Abu Khaled, Bayan ou encore Ayatt Kassab… tous morts au début du soulèvement de la jeunesse syrienne à Homs (Syrie) sous les bombardements.
Baigné dans le noir, muni d’une petite torche, chaque festivalier doit déterrer un tombeau tel un archéologue pour ressusciter les fragments d’une vie brisée par la guerre.
Quand l’utopie se transforme en réalité
Interpellant le public avec un titre provocateur ” Qui a peur de l’idéologie ? “, l’artiste Marwa Arsanios propose, au Palais Kheireddine, deux installations vidéos de 20 minutes chacune.
Filmées tels des documentaires expérimentaux, la réalisatrice met en scène la vie des femmes du village kurde syrien Jinwar, notamment leur relation fusionnelle avec la nature. “Jinwar”-lieu des femmes en langue kurde- est un village située dans les montagnes du Kurdistan peuplé uniquement, par des femmes et leurs enfants. Dans ce documentaire réalisé en 2017, Marwa Arsanios prend le contre-pied des idéologies destructrices comme le terrorisme et le fanatisme religieux pour présenter un village gouverné par des femmes suivant une idéologie féministe et écologique.
Au cœur de la médina de Tunis, à l’impasse El Kachekh, le plasticien tunisien Atef Maatallah a transformé une ancienne décharge anarchique en un jardin public, en y installant des arbres, des plantes, du mobilier urbain, et de grandes fresques murales. Un espace rêvé par l’artiste comme un lieu à la croisée de la mémoire et de la fiction. Les ordures disparaîtront mais l’artiste en gardera la trace, comme des reliques, peintes sur les hauts murs qui dominent la place ou comme terreau.
La transformation est menée en étroite collaboration avec les habitants du quartier, leur implication étant la garantie qu’ils veilleront sur cet espace vert aménagé au cœur de la médina.
“Réticents au début du projet, les habitants se sont engagés petit à petit dans l’élaboration de cet espace rêvé qui se transformera au fil jours et de l’implication des autorités municipales en un espace vert autonome” a expliqué Maatallah à l’agence TAP, affirmant qu’il a reçu l’accord de la municipalité de Tunis pour construire un puits au milieu du jardin.
Se poursuivant jusqu’au 13 octobre, Dream City 2019 invite son public à la réflexion et à la rêverie active avec au programme des colloques, des installations interactives, de la danse et de la musique. Au total, 187 propositions artistiques tunisiennes et étrangères, dont près de la moitié sont gratuites sont proposées et où le public sera invité à s’impliquer pour imaginer l’avenir d’une médina, dont les rêves se conjuguent au présent.