Consacrer le premier dimanche de chaque mois à “un coup de balai national”, tel est l’appel lancé par un groupe de jeunes tunisiens qui a déclenché, depuis deux semaines, une vaste campagne de nettoyage dans toute la Tunisie.

“Nous voulons que le premier dimanche de chaque mois, soit instituée journée nationale de nettoyage dans les quatre coins de la Tunisie. Ça pourrait aider à inscrire notre action dans la durée”, a déclaré Radohouène Hamdi, co-fondateur du groupe public. “Nous voulons que notre pays soit propre, nous voulons vivre décemment”. https://www.facebook.com/groups.

L’idée est venue d’un groupe de 12 personnes parmi lesquelles: Faten Ben Mehrez, Hamza Hamdi, Asma Daly, Latifa Mehrez Gaied, Emna Youssef, Abdou Mbarek et Tarak Belguith. Ils avaient proposé d’organiser des campagnes de propreté pour “nettoyer la Tunisie”, si leur candidat préféré, Kais Said remporte les élections présidentielles.

Le 13 octobre 2019, Kaïs Saïed a accédé à la magistrature suprême, au deuxième tour des élections, avec 72,21% des voix, contre son rival Nabil Karoui (27% des votes). Depuis, des jeunes ont adhéré en masse à l’appel de ce groupe, créé le jour même sur Facebook.

“En quelques jours, le nombre des adhérents au groupe a dépassé les 100 000 personnes. Nous étions surpris et ravis”, se réjouit Hamdi.

Jusqu’à ce jour, plus de 280 000 personnes sont inscrits à ce groupe, devenu de plus en plus visible sur les réseaux sociaux et les médias nationaux et internationaux.

Dimanche dernier, 20 octobre 2019, l’appel au nettoyage a trouvé bon écho dans toutes les régions du pays. Dans les quartiers populaires et les zones huppées, dans les établissements scolaires et même dans les établissements hospitaliers, tout le monde est sorti pour nettoyer. Jeunes et moins jeunes, adultes femmes et hommes sont sortis munis de sacs en plastiques, de gants, de balais et différents outils de nettoyage. Ils se sont attaqués aux amas de déchets qui empoisonnent la vie des Tunisiens depuis presque 7 ans. Ils se sont aussi adonnés à des activités de peinture et de décoration des murs et de certains ouvrages publics.

Les autorités municipales et régionales et des départements ministériels ont réagi. Ils ont annoncé leur soutien à cette action en mettant les équipements et les outils nécessaires à la disposition des jeunes volontaires.

Des centaines d’adhérents et adhérentes au groupe ont appelé à consacrer dimanche prochain, 27 octobre 2019, au nettoyage des écoles et des établissements scolaires.

“Nous voulons répondre par des actions aux détracteurs qui qualifient notre “prise de conscience” de “simple élan passager”, écrivent les adhérents au groupe sur leurs pages Facebook.

Leur action baptisée “prise de conscience”, a contribué, en effet, à la création d’un environnement social de solidarité et d’entraide pareil à celui vécu par les Tunisiens au lendemain de la révolution.
A cette époque, les Tunisiens, libérés du joug d’une dictature de plus de 20 ans, avaient changé de comportements et retrouvé un certain civisme volontaire et spontané.

Des jeunes tunisiens des diverses régions qui ont adhéré à l’initiative, ont lancé leur hashtag “#TUN” pour encourager, les citoyens à consommer le “Made in Tunisia” et à rejoindre les actions de nettoyages dans chaque coin du pays.

“Notre objectif est de rassembler le plus grand nombre de Tunisiens et de volontaires, loin de la politique, pour servir une seule cause, celle de l’environnement”, a encore indiqué Raddhoune.

“La propreté du cadre de vie est une question qui intéresse tous les Tunisiens, quelque soit leur appartenances et leurs catégories sociales. C’est une cause qui nous unit tous et qui peut nous rassembler loin de la politique”, a ajouté le jeune activiste.

Dans une analyse publiée par le journal “Al Maghreb” (Le Maghreb), de cette “prise de conscience”, qui a réussi a braquer, de nouveau, les projecteurs sur la Tunisie, le sociologue Mohamed Jouili estime que “ça pourrait refléter une perception par les jeunes de la valeur de l’action sur le terrain et de la valeur de l’accomplissement faisant défaut à l’Etat”.

Pour le sociologue, il s’agit aussi d’un “signe de réappropriation de l’espace public à travers l’action sur le terrain. C’est parce que cet espace public a perdu sa signification au cours des dernières années après avoir cessé d’être un espace de vie commune, tel que souhaitée par ses usagers (du même espace)”.