Entre 2005 et 2010, seulement 60 déclarations de soupçons (DS) ont été soumises à la CTAF (Commission tunisienne d’analyses financières), qui célèbre ce mois-ci son quinzième anniversaire. En 2018, la commission a eu à examiner 600 DS.

Les dizaines de déclarations transformées en centaines ne l’ont pas été uniquement du fait de la chute de l’ancien régime, de la liberté d’expression nouvellement acquise pour dénoncer tout acte illicite ou encore du fait de la montée en flèche des valeurs d’intégrité et d’honnêteté et des principes plaçant la probité et l’éthique au-dessus de tout.

Elles illustrent en premier lieu l’application et l’adoption des décisions et mesures prises par les autorités publiques et des lois promulguées pour juguler les phénomènes de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et d’évasion fiscale. «Aujourd’hui, les systèmes d’information des différents départements ministériels et institutionnels se parlent, et cela nous permet de détecter tout acte délictueux», a déclaré Ridha Chalgoum, ministre des Finances, lors de la conférence de presse tenue à la BCT vendredi 25 octobre pour parler de la sortie en un temps record de la Tunisie de la liste grise du GAFI.

La réglementation tunisienne n’est plus ce qu’elle était, et la tolérance ou le laxisme qui ont mené à lister la Tunisie en tant que pays à risques a fait place à un durcissement du cadre légal vis-à-vis des institutions financières et de nombre de professions connexes.

Lotfi Hachicha, directeur général de la CTAF, avait précisé à l’occasion que dans les standards du GAFI, l’efficacité du système passe par une vigilance accrue touchant tous les concernés. «Lorsque nous parlons de vigilance, nous désignons tous les acteurs évoluant dans le secteur financier et s’adonnant à toutes sortes d’opérations. Et dans notre pays, tous les assujettis ont répondu présents et ont adopté la logique de la transparence ainsi que le système de contrôle et de surveillance. L’adhésion est de première importance, ensuite c’est la déclaration de soupçon et la troisième étape consiste en une enquête diligentée par la CTAF après confirmation de soupçon et la soumission du dossier aux autorités judiciaires. Il faut savoir que nous disposons d’une grande base de données où tout est consigné y compris des déclarations provenant de sources anonymes ce qui permet, en cas de besoin, de procéder aux recoupements nécessaires. L’efficacité du système est illustrée bien évidemment par l’ouverture de procès et les jugements rendus ou par les confiscations et les gels des avoirs acquis de manière frauduleuse».

A ce propos, il est utile de noter qu’avant de retirer la Tunisie de la liste grise, le GAFI s’est assuré que le processus mis en place en Tunisie est agissant et qu’il se traduit sur le terrain par des actions et des mesures concrètes. «Nous allons continuer sur notre lancée par une plus grande implication des professions non financières dans la logique du contrôle et de la surveillance».

Cela fait une année que la CTAF accorde une importance croissante aux professions non financières «dont les notaires, les experts comptables, les agents immobiliers, les rédacteurs de contrats à la conservation de la propriété foncière, les commerçants des bijoux et autres objets précieux (les œuvres d’art) et les dirigeants de Casinos, dont l’effort déclaratif n’est encore au niveau des attentes».

Quant aux avocats et contre toute attente -ils ont montré plus de résistance que d’autres opérateurs à préserver le secret professionnel et ce quelles que soient les conditions-, eh bien, ils commencent à saisir l’importance de leur participation dans la guerre contre les infractions financières. «Les avocats ne sont pas soumis au devoir de déclaration lorsqu’ils représentent un client. C’est seulement lorsqu’ils sont sollicités à titre de consultants ou pour la conclusion de contrats qu’ils jugent suspicieux qu’ils peuvent le faire. Nous avons d’ailleurs reçu 8 DS de la part de quelques avocats».

Pour information, la CTAF est le centre national chargé de la réception, de l’analyse des déclarations de soupçon et de la transmission au procureur de la République des déclarations dont l’analyse a confirmé le soupçon. Elle coopère avec les autorités nationales de supervision et de régulation, notamment pour la mise en place des politiques et programmes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

A l’occasion de son 15ème anniversaire, la CTAF a adopté une nouvelle charte graphique mettant en avant l’effigie du Grand général carthaginois Hannibal. Outre l’identification et la différenciation, cette carte d’identité visuelle se veut être une esquisse de sa personnalité et son identité et qui reflète ses valeurs, à savoir «Responsabilité – Intégrité –Indépendance».

A.B.A