“Je suis un collectionneur du temps de notre époque. Je ramasse vos objets cassés délaissés ou bien oubliés. Je leur donne une vie et je les ressuscite”. C’est ainsi que l’artiste plasticien tunisien Aly Issa se présente au milieu des objets et des œuvres artistiques réalisés ou dénichés de 1945 à 2019, dans un documentaire intitulé “L’homme qui est devenu musée”, signé le réalisateur-plasticien Marwen Trabelsi et produit par “Kantaoui Films”.
Projeté les 29 et 30 octobre dans le cadre de la section “Regard sur le cinéma tunisien” des Journées Cinématographiques de Carthage 2019 (Session Nejib Ayed), “L’homme qui est devenu musée” est un documentaire construit comme un conte autour de la vie, le parcours et la conception esthétique de l’artiste et peintre Aly Issa. Débutant son film par l’expression populaire “Il était une fois”, Marwen Trabelsi emmène son public dans un voyage d’une heure dans la maison-musée d’un artiste et d’un poète atypique et marginal.
Dans le synopsis du film, Marwen Trabelsi présente son personnage principal comme un artiste possédant “une obsession de peindre et de collectionner des objets, pour les besoins de son art de récupération”. Et d’ajouter: “A force de les accumuler, il se fait absorber par ces objets, inonder par cette production pléthorique qu’il affectionne. C’est l’histoire fantastique d’un homme qui est devenu musée”.
Tel “un trompe l’œil”, le film joue avec la perception du spectateur : la vie quotidienne d’Aly Issa et sa mémoire se mélangent aux images filmées de la maison-musée créant une fusion audacieuse entre un quotidien austère et un univers artistique créatif et dynamique.
Trônant sur son royaume d’objets où les poupées cassées se superposent avec des appareils photos, des lampes, des statuts, des livres ou encore des mégots de cigarettes transformés en œuvres d’art, Aly Issa parle de ses origines turques, de ses études, de son parcours artistique mais surtout de son amour fusionnel avec Louma, une libanaise rencontrée lors de ses études universitaires en Amérique. Ce bonheur a été de courte durée puisque l’artiste a perdu sa femme et son enfant “Aly” dans un accident de voiture au Liban. Face à cette tragédie, l’artiste-plasticien a fermé son cœur à l’amour et a décidé de vivre pour l’art et à travers l’art.
Dans sa maison qui sert à la fois d’atelier, de bureau, de lieu de collection et d’habitation, Marwen Trabelsi filme le quotidien d’Aly Issa depuis 2015, comme il l’explique à l’agence TAP, en soulignant qu’il a voulu mettre la lumière sur le parcours d’un artiste multidisciplinaire dont la méthode à la fois anarchiste et engagé se croise avec celle du réalisateur qui souligne dès le début de son documentaire: “Ce film me ressemble “.
La caméra capte la lumière de la journée qui se reflète sur le visage tracé par le temps de l’homme de 81 ans. Malgré l’âge, Aly Issa passe son temps à travailler, à créer et à expérimenter de nouveaux supports car selon lui l’art est avant tout mouvement et “lire une œuvre artistique, c’est comme lire un livre de 1000 pages”.
Au milieu de ses poèmes et de ses œuvres achevées et inachevées, l’artiste humaniste Aly Issa livre son testament en indiquant qu’après sa mort il fait don de ses organes à la médecine et lègue sa maison-musée ainsi que ses œuvres au ministère des affaires culturelles. Son rêve, c’est de voire sa maison se transformer en un musée national d’art au profit du peuple tunisien, dit-il avant de conclure “L’art est ma foi et ma religion, et je continuerai à créer même dans l’au-delà”.