Moult intellectuels du pays ont pesé de tout leur poids dans les récentes élections législatives et présidentielle anticipée. Certains d’entre eux ont joué un rôle déterminant dans la victoire de leurs partis. Seulement voilà, avec l’évolution de la situation à travers l’émergence de nouvelles alliances contre-nature qui ont hissé Rached Ghannouchi à la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), beaucoup d’entre eux ont été interpellés par leur conscience et n’ont pas manqué de le manifester en public. Deux exemples méritent qu’on s’y attarde.
Le premier cas concerne l’auteur, éditeur et activiste tunisien, Abdelaziz Belkhodja. Tout le monde se rappelle comment cet intellectuel s’était dépensé, énormément, pour défendre bec et ongles, sur les plateaux de télévision, la cause de Nabil Karoui, président de Qalb Tounès, alors en prison pour présomption de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, et ce en pleine campagne électorale présidentielle.
Réagissant à la perche de salut que le parti Qalb Tounès vient de tendre au parti Ennahdha pour porter son président au perchoir, Belkhodja a annoncé sa démission de ce parti, dès mercredi 13 novembre.
Abdelaziz Belkhoja s’excuse…
Il a expliqué sur sa page Facebook que sa décision est justifiée par le fait que de nombreux députés du parti ont choisi de voter pour le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, à la tête du Parlement.
«Suite au choix de plusieurs députés de Qalb Tounes de voter pour Rached Ghannouchi, chef de l’organisation secrète et principal responsable de tous les maux de la Tunisie, je ne me considère plus lié, de quelque sorte que ce soit, envers ce parti. Je m’excuse platement envers ceux qui ont été influencés par mon engagement», a-t-il écrit.
Nous rappelons simplement ce petit détail à Si Abdelaziz Belkhoja qu’il ne s’agit pas de plusieurs députés du parti mais de tous députés de Qalb Tounès (38) qui ont voté pour Rached Ghannouchi.
Dégoûté, Safi Saïd envisage de se retirer
L’autre intellectuel dégoûté par l’ambiance répulsive qui a prévalu, lors de la séance inaugurale de la nouvelle législature, n’est autre que Safi Saïd, journaliste-écrivain, député indépendant proche du Courant populaire et candidat malheureux à la présidentielle anticipée.
Dans un statut Facebook datant de mercredi 13 novembre 2019, le député s’est posé la question de savoir s’il ne s’était pas trompé de route en participant aux législatives. Lors de cette séance d’ouverture chaotique, marquée par un premier clash entre la députée du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, et le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, Safi Saïd dit n’avoir trouvé «ni la patrie ni lui-même».
Il a ajouté qu’il était arrivé, ce jour là, au Parlement plein d’espoir et en est sorti “accablé“ de douleurs, de regrets et de déceptions. «Je ne me suis jamais senti aussi étranger dans mon pays que ce jour-là», a-t-il dit.
Il s’est interrogé sur sa capacité d’endurer, durant cinq ans encore, cette pièce de théâtre de mauvais goût.
Certaines lectures de ce message y ont perçu une volonté du député de se retirer de ce Parlement où prévalent «laideur, hypocrisie et ingratitude», selon les mots de Safi Saïd.
A n’en pas douter, au regard de l’ambiance toxique qui prévaut dans le Parlement et à la haine viscérale que se vouent certains partis, seules des personnes insensibles et sans conscience pourront s’en accommoder.