A l’initiative conjointe de la Faculté de droit de Sfax et de la Fondation Heinrich Bëll Stiftung, une journée d’études s’est tenue vendredi 15 novembre à Sfax autour du thème “L’exploitation des gaz non conventionnels : opportunités et enjeux”.
Des juristes, activistes de la société civile et autres experts en géologie et en énergie ont participé à cette manifestation, pour débattre de la question des hydrocarbures non conventionnels, communément connus sous l’appellation du “gaz de schiste” qui continue à susciter les controverses et les polémiques quant à ses enjeux écologiques, économiques, éthiques mais aussi juridiques.
L’enjeu juridique a focalisé l’intérêt des intervenants d’autant qu’actuellement, il existe une étude sur l’environnement en cours de réalisation par les services compétents du ministère de l’environnement concernant les impacts et les enjeux de la possible orientation vers l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en Tunisie.
Sur la base de cette étude, les autorités tunisiennes, en l’occurrence le pouvoir législatif, engageront une discussion avec la société civile et les différents intervenants pour aboutir à une législation spécifique en la matière, a tenu à préciser, Hedi Herichi, directeur central à l’ETAP (Entreprise tunisienne des activités pétrolières), dans une déclaration à l’Agence Tap, en marge de la journée.
L’on s’attend, selon Herichi, à ce que de nouvelles dispositions soient incluses dans le cadre de la révision du Code des hydrocarbures se rapportant aux Hydrocarbures non conventionnelles.
Pour sa part, la géologue et directrice à l’ETAP, Hela Fakhfakh, a fait savoir, dans une intervention intitulée “Le hydrocarbures non conventionnels : de la définition aux méthodes d’extraction”, que “la terminologie du gaz de schiste est inadaptée” et qu'”il faut plutôt parler d’hydrocarbures non conventionnels extraits de roches matures pour l’huile et le gaz”.
Evoquant les technologies et procédés d’extraction de ces hydrocarbures non conventionnels, elle considère que la fracturation au propane est l’une des alternatives d’extraction les moins drastiques pour l’environnement.
Elle considère, aussi, que la Tunisie présente des roches mères propices aux hydrocarbures non-conventionnels (huile et gaz) au Sud et au Centre du pays mettant l’accent, au passage, sur la nécessité d’effectuer des études poussées pour l’évaluation de leur exploitation, tout en tenant compte des enjeux environnementaux et éthiques.
A la question “winou elptrol ?” (où est le pétrole ?), autour de la quelle a émergé une large polémique dans les réseaux sociaux, au cours des dernières années, Fakhfakh a indiqué que “la Tunisie est un pays à très modeste potentiel pétrolier bien qu’elle occupe une position géographique entre deux pays pétroliers (Libye et Algérie)”.
Elle a fait savoir que plusieurs facteurs expliquent la réussite des américains dans le domaine de développement du gaz de schiste, ce qui ne pourrait pas être le cas en Tunisie, y compris le fait qu’aux USA, il existe des techniques très développées d’exploration et d’exploitation et que les zones d’exploitation de ce gaz sont éloignées des populations.
Approchant la question des hydrocarbures non conventionnels en Tunisie d’un point de vue juridique, Hedi Herichi, considère qu’ il existe ” un vide juridique ” au niveau du cadre légal et contractuel qui consiste en une ” insuffisance réglementaire ” qui ne permet pas l’exploration et le développement des hydrocarbures de roche mère.
Bien que le code des hydrocarbures (CH) soit promulgué en 1999, il existe, selon Herichi, d’anciens textes qui remontent à l’ère du protectorat et qui sont toujours en vigueur (Le Décret Beylical du 13 décembre 1948, le Décret Beylical du 1er janvier 1953, le Décret-loi du 14 septembre 1985).
Ces anciens textes régissent nombre de titres d’hydrocarbures (Concessions d’exploitation).
Le Comité Consultatif des Hydrocarbures, où tous les départements ministériels sont représentés, est responsable de l’octroi des titres d’hydrocarbures (permis de prospection, permis de recherche et concession d’exploitation pétrolière), selon le directeur central à l’ETAP.
Il ajoutera en substance que “le permis de prospection se transforme en un permis de recherche si son titulaire honore tous les engagements de travaux et de dépenses et la condition de respect de l’environnement”.
Herichi a passé en revue les règles de protection de l’environnement dans le cadre des activités pétrolières prévues dans le code des hydrocarbures, dont les règles prévues par les articles 47, 59, 60 et 61 du CH. Ces engagements concernent les étapes d’avant activité pétrolière, pendant et après exploitation.
A une question posée dans la séance de débat sur le fait de savoir “si les autorités ont arrêté une concession à cause du non respect de l’environnement comme ça était le cas l’année dernière avec l’endommagement des cotes de Kerkennah par des produits pétroliers, Herichi a fait savoir que, selon l’enquête réalisée par les titulaires des concessions on et off-shore dans la zone, aucune fuite pétrolière n’a été constatée dans les zones de production.
La séance de débat a permis aux participants de formuler une série de recommandations dont la condamnation de l’utilisation du gaz de schiste par la loi.
A noter que les permis de prospection et de recherche sont actuellement au nombre de 25 permis. Quant aux concessions d’exploitation, elles comptent 56, à l’heure actuelle.