La concomitance, ces derniers jours, de menaces ciblant des intellectuels et des hommes politiques, de faits divers faisant état de violences extrêmes subies par des femmes et l’instrumentalisation d’enfants innocents à des fins de propagande religieuse, rappelle, à un élément près, le retour, dix ans après, de l’extrémisme religieux en Tunisie.
Pure coïncidence ou hasard du calendrier, ce retour de l’Islam politique et de ses dérives extrêmes intervient juste après la victoire du parti Ennahdha et de partis “djihadistes“ lors des dernières élections présidentielle et législatives.
Trois exemples illustrant de manière éloquente la rémanence de ces dérives méritent qu’on s’y attarde.
Intellectuels et politiques obligés de jeter l’éponge
Le premier concerne les menaces de mort adressées à des intellectuels, à des hommes politiques et à des journalistes. La gravité de ces menaces a été, semble-t-il, telle qu’elle a obligé l’universitaire et islamologue Olfa Youssef à jeter l’éponge, et ce en dépit de la garde rapprochée dont elle bénéficie.
Olfa Youssef, qui a échappé, en 2013, à une tentative d’assassinat, a annoncé purement simplement son retrait de la vie politique pour préserver sa sécurité et celle des siens.
Des menaces de mort adressées, au président de l’association Shams –Pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie-, Mounir Baatour, ont sommé ce dernier à quitter le territoire national, annonce un communiqué de Shams.
Des chroniqueurs de télévision et des journalistes ont reçu également des menaces de mort. Ce sont les journalistes d’El Hiwar Ettounsi et de la radio nationale qui sont le plus pris à partie.
La femme, première victime
Le deuxième exemple touche à la recrudescence des crimes conjugaux qui ont coûté la vie à plusieurs femmes, qui auraient été torturées jusqu’à la mort, dont trois cas doivent être cités.
Le premier cas a eu lieu dans un chantier à Sfax. Un jeune de 32 ans aurait assassiné son amie de 22 ans, dépecé son corps et l’a mis dans un sac en plastique. Arrêté, l’assassin-boucher a expliqué son crime par des pratiques de sorcellerie dont la victime serait experte.
Le second se serait déroulé dans la localité d’Aouled Chamekh, dans la région de Mahdia. Un jeune homme âgé de 38 ans torture sa femme, l’égorge et la jette dans un étang avant de se livrer spontanément aux agents de la garde nationale.
La ville de Lalla (gouvernorat de Gafsa) est le théâtre du troisième cas. Un jeune homme de 33 ans torture sa fiancée de 25 ans, la tue, l’enterre et prend la fuite.
Des enfants instrumentalisés
La dernière illustration du retour des dérives de l’Islam politique porte sur l’instrumentalisation d’enfants –forcément innocents- à des fins de propagande religieuse, rappelant de sinistres scènes qui ont eu lieu à Médenine, durant la période de la Troïka.
La scène la plus spectaculaire a eu lieu, le 10 novembre 2019, journée au cours de laquelle la municipalité de Tunis, dirigée par une maire nahdhaouie, Souad Abderrahim, a décidé de la décréter: journée sans voiture, à l’avenue Habib Bourguiba.
Seulement l’horreur était au rendez-vous. Au nombre des spectacles proposés pour animer l’avenue, celui de petites fillettes portant le voile et de petits garçons vêtus d’un «kamis afghan» -mais “made in tunisia”- entouraient une représentation de la Kaâba.
Ainsi, des gosses de 7 à 8 ans au maximum étaient instrumentalisés pour faire la propagande du wahhabisme sur l’avenue Bourguiba. C’est la pire des provocations.
Les organisateurs de ce spectacle auraient été inspirés et encouragés par l’acceptation par le nouveau président de la République, Kaïs Saïed, de rencontrer des petites filles voilées, lors de sa visite à Kairouan à l’occasion de la fête du Mouled (9 novembre 2019).
Cela pour dire qu’il y a dans les exemples précités d’un retour “dangereux“ de l’obscurantisme et l’intolérance dans notre pays.
Les politiques laïcs qui s’étaient présentés en rang dispersés lors des élections législatives et présidentielle de 2019 en assument totalement la responsabilité. L’enjeu réside actuellement dans la poursuite du combat pour préserver le pays des nuisances structurelles de ces moyenâgeux au pouvoir. Au regard de leur incompétence et inculture génétiques, c’est juste une question de temps. Il faut y croire.