La Vision 2030 est déjà lancée : l’ANETI se réforme de l’intérieur, ce qui ne manque pas de punch. Elle profile son architecture et ses prestations selon les attentes de ses partenaires : entreprises, demandeurs d’emploi et jeunes candidats à l’entrepreneuriat. Pari audacieux ! Un test de vérité pour la réforme du service public.
C’est décidé, l’ANETI –Agence nationale d’emploi et de travail indépendant- se moule dans l’empreinte du XXIème siècle. Plus qu’un simple lifting, c’est un package complet pour un projet de re-engineering de l’ANETI qui a été exposé par son DG, Youssef Fennira, mardi 13 novembre 2019.
A travers un show spectaculaire de une-deux avec notre confrère Mehdi Kattou, Youssef Fennira a exposé dans le détail le processus de transformation contenu dans la Vision 2030 de l’ANETI.
Faut-il le rappeler, l’agence regroupe 90 bureaux pour l’emploi, 21 centres de partenariats disséminés à travers les 24 gouvernorats en plus d’une académie laquelle dispense une formation orientée service public.
L’objectif de la Vision 2030 est clair : l’ANETI jouera son rôle, avec pleine de fonctionnalités pour matcher, à plein tube, les attentes de ses partenaires. Elle sera le premier site de l’emploi, dans le pays, grâce à sa nouvelle plateforme connectée. Ce sera une solution globale à la question de l’employabilité des jeunes dans le pays. Cela contribuerait à traiter un dysfonctionnement majeur du marché du travail, en Tunisie.
Un package complet, un processus de refondation
La Vision 2030 est partie d’un diagnostic complet qui a duré quatre mois, soit de 4 juillet au 4 novembre 2019. Ce diagnostic a démarré par un marathon à travers les 24 gouvernorats du pays qui a donné lieu à une consultation auprès des 1 500 membres du personnel.
Ce fut, ensuite, assorti d’un diagnostic des prestations de l’agence auprès d’un échantillon de 5 000 partenaires, entreprises et particuliers.
Il fallait revenir vers le personnel, pour l’impliquer à la tâche, insiste Youssef Fennira. Et, dans le même temps, associer les partenaires afin de configurer les fonctionnalités de l’agence en ligne avec leurs attentes.
La démarche procède d’une réforme full process. Bien vu ! L’agence est fixée sur son positionnement. Elle est quatrième site d’emploi le plus visité. Si 56% de ses visiteurs sont satisfaits de ses prestations, 41% trouvent les services inefficaces. Il y a aussi que 54% trouvent les délais longs et 50% ont eu une mauvaise “expérience” avec l’agence.
Il n’y a pas de doute, l’heure du changement a sonné pour l’ANETI.
En ligne avec la marche du siècle
Vision 2030 est une initiative opportune. Et le crédo de l’agence est de se projeter dans le temps. Il est temps que l’agence intègre dans sa stratégie l’irruption des nouveaux métiers de demain. On parle de 85% de métiers encore inédits. Ainsi en est-il du métier de l’avocat augmenté ou de l’éducateur de robots. Et de leur collatéral, à savoir le training d’employabilité.
On comprend dès lors le souci de l’ANETI de coller aux tendances du marché de l’emploi et de profiler les fonctions de chacune de ses structures en les organisant en une plateforme avec prestations digitalisées et de digitaliser l’éventail de ses prestations. Pour le moins, c’est un choix bien en ligne avec la marche du siècle.
Le processus de transformation est de long cours étant donné que la Vision s’étale jusqu’en 2030 mais des dates rapprochées son déjà fixées. La digitalisation interviendra dès 2022.
Pour sa part, l’académie sera opérationnelle en 2023. Dès le mois de juin 2024, la nouvelle formule des bureaux de l’emploi sera opérationnelle. Présente dans les 24 gouvernorats, l’ANETI tiendra compte à travers son réseau d’agence des particularités de l’écosystème local et déclinera ses prestations en conformité avec son espace régional.
Le souci de performance
Vision 2030 fait une grande place à la qualité. L’agence engagera, par conséquent, un process de certification ISO 9001. La qualité sinon rien ! Permettre aux employés de travailler dans une ambiance de qualité est un levier de productivité. La valorisation du personnel impacte positivement les prestations de l’agence. De plus, elle les débarrasse de la peur devant la prise de décision, soutient Youssef Fennira.
L’ANETI fait cap sur la performance, également. Un exemple en dit long sur la portée de la transformation. L’agence fera le suivi de cohorte des apprenants qui auront transité par son académie. De ce fait, elle se tiendra informée de leur itinéraire dans la vie pratique et se fera une opinion réelle de l’efficacité de ses interventions. D’ailleurs l’académie est l’un des fers de lance de la Vision 2030. Sachant que cette institution possède déjà ses lettres de noblesse.
Lors d’un périple africain qui l’a mené au Cameroun, au Togo et au Nigeria, Youssef Fennira a été agréablement surpris de voir que les anciens apprenants de l’Académie se sont bien insérés professionnellement, dans leur pays.
L’ANETI voudrait capitaliser sur cet acquis et ambitionne de devenir un hub de formation des jeunes apprenants du service public, pour le continent.
Les étapes de la réforme
Le projet de transformation de l’ANETI ne manque ni de cohérence ni d’ambition. Et le standing des partenaires de financement et d’accompagnement du projet le révèle. La Vision 2030 a récolté des financements multiples et divers avec les concours de la Banque mondiale, de l’Union européenne, ainsi que de la Banque africaine de développement, du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement).
Rappelons que Mourakiboun ainsi que la Fondation Tunisie pour le développement sont de la partie. L’appui des bailleurs de fonds est déterminant. A titre d’exemple, le coût du programme de digitalisation, pris en charge par l’UE, se monte à 7 millions d’euros soit la contre-valeur de 22 millions de dinars tunisiens. Et c’est un budget conséquent.
Soulignons toutefois, la pertinence de Vision 2030 qui adopte un business model audacieux. En effet, certaines prestations seront payantes et le groupe ANETI pourrait de ce fait assurer sa propre autonomie financière. Mais on peut objecter que dix ans c’est long ! Youssef Fennira dira qu’il faut donner du temps au temps, sachant que beaucoup d’étapes seront réalisées sur les trois premières années de la nouvelle décennie.
La nouvelle architecture se mettra en place dès l’année 2022. La digitalisation sera opérationnelle la même année. En 2023, l’Académie sera entièrement rénovée.
La portée d’une Vision
L’ANETI cible la génération Z, ce gisement de jeunes qui représenteraient les 2/3 de la population à horizon 2030. Elle veut se mettre en conformité avec leurs attentes et y satisfaire. D’où ce souci de connectivité en plus d’une volonté de communication qui leur est spécialement dédiée. Vision 2030 prend le pari de s’adapter aux attentes et desiderata des jeunes de demain.
Youssef Fennira, en engageant l’Agence sur cette voie, prend un rendez-vous avec l’Histoire. Outre qu’il prend un pari fou en accréditant l’idée que l’administration peut se réformer de l’intérieur en comptant, d’abord et avant tout, sur ses RH propres. Quitte à solliciter des compétences externes, au besoin.
L’administration, ce grand corps malade, vit une situation paradoxale, et Youssef Fennira dira : “Les gens travaillent et tout ce qui ressort ce sont les problèmes“. Il enchaîne en assénant : “La bureaucratie empêche les travailleurs de performer et frustre les citoyens”.
Le besoin de réforme est impératif. Youssef Fennira adopte une approche Mackenzie (premier bureau de consultants dans le monde) dans sa démarche en cherchant à bousculer toutes les inerties avec Vision 2030. Et c’est tout bénéfice !