La Banque mondiale vient de mettre au point un nouvel indicateur pour mesurer «la pauvreté de l’apprentissage». Il s’agit d’un projet de soutien à l’éducation, visant à s’assurer de l’effectivité de la maîtrise ou non de l’acte de lire par les enfants scolarisés. La Tunisie, qui souffre, justement, d’une crise à tous les niveaux en matière de lecture et au-delà, d’éducation et d’enseignement, ne peut être, en principe, que fort intéressée par ce nouvel indicateur.
Zoom sur ce nouveau concept.
D’après la littérature de la Banque mondiale, ce nouvel indicateur rend compte de la proportion d’enfants qui sont incapables de lire et comprendre un test simple à l’âge de dix ans.
La lecture, sésame de toute vie professionnelle
«Dans toutes les sociétés de l’écrit, la lecture est depuis des siècles le socle de l’éducation. Du côté des parents comme des autres parties prenantes, il est entendu que l’une des premières missions de l’école est d’apprendre à lire aux enfants», lit-t-on dans l’exposé des motifs de l’institution de Bretton Woods.
La Banque mondiale ajoute que «l’acquisition de la lecture est pour un enfant le sésame qui lui donnera accès à la somme des connaissances encodées dans un des textes de tous types. La manière dont il tirera parti de cette compétence dépendra de nombreux facteurs (dont notamment la qualité du système scolaire aux niveaux d’enseignement ultérieurs)».
Et l’institution de mettre en garde contre ce scénario: «une chose est sûre : faute de savoir lire correctement, il (l’enfant) aura des difficultés à apprendre tout au long de sa vie sociale et professionnelle».
Les pays à revenu faible et intermédiaire sont les plus concernés
Ce sont les pays à revenu faible ou intermédiaire, comme la Tunisie, par l’effet de la lenteur des réformes, qui risquent de pâtir le plus de la non maîtrise de l’acte de lire. Le principal risque qu’ils encourent, d’après la Banque, est de ne pas pouvoir atteindre, d’ici 2030, l’objectif quatre de développement durable (ODD4), en l’occurrence «assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité».
«Selon les nouvelles données disponibles, précise la Banque, le taux de pauvreté des apprentissages atteints 53% dans les pays à revenu faible et intermédiaire».
Elle fait remarquer qu’au rythme de progression actuelle, 43% des enfants ne sauront toujours pas suffisamment lire d’ici 2030.
Pour y remédier, la Banque pense que «si ces pays (…) parvenaient à progresser au rythme le plus rapide observé depuis le début du 20ème siècle, le taux mondial de pauvreté des apprentissages chuterait à 28%».
Plus précis, le président de la Banque mondiale, David Malpass, a annoncé l’adoption d’une nouvelle cible opérationnelle à atteindre à l’horizon 2030: réduire de moitié au moins le taux mondial de pauvreté des apprentissages.
Il s’agit d’un objectif ambitieux, mais réalisable selon les simulations, estime la BM.
Pour preuve, elle cite le succès de deux expertises développées dans deux pays en matière de la lecture.
En Égypte, par exemple, les autorités ont mis en œuvre un plan de réformes qui prévoit une refonte des programmes scolaires et des systèmes de suivi, avec une évaluation continue des élèves tout au long de l’année et des examens axés sur l’acquisition de compétences, un meilleur accompagnement des enseignants et la promotion de l’apprentissage entre pairs.
Ces réformes sont fondamentalement marquées par un changement de priorité : il ne s’agit plus tant de tout miser sur les diplômes que de valoriser les apprentissages.
Au Brésil, aussi, l’amélioration constante de l’offre éducative dans plusieurs États (…) a prouvé que le changement est possible.
La Tunisie est concernée
Pour le cas de la Tunisie, il n’est pas inutile de rappeler que notre pays souffre énormément de la pauvreté de l’apprentissage. Cette pauvreté est perceptible à travers quatre facteurs, signalés par Néji Jalloul, lorsqu’il était ministre de l’Education.
Il s’agit du décrochage scolaire qui affecte, chaque année, plus de 100 mille enfants scolarisés, l’absentéisme fréquent des instituteurs lesquels ne permettent pas aux enfants scolarisés de maîtriser dans des conditions normales le difficile acte de lire, la notation des élèves sur la base de leur aptitude à apprendre par cœur et l’apprentissage basé principalement sur des manuels (photocopies et autres), au détriment de l’instruction dispensée par l’enseignant et des méthodes innovantes, ce qui prive les futurs diplômés des compétences indispensables pour trouver leur place dans un monde du travail compétitif.
En 2016, ces indices de pauvreté de l’apprentissage ont valu à la Tunisie d’être classée 65ème sur un total de 67 pays listés par le programme PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), et ce pour le pilier lecture.
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