La 34ème édition des Journées de l’entreprise, événement annuel phare de l’IACE, examinera la relation entre l’entreprise et le nouveau rôle de l’Etat. L’ambition des organisateurs est de de savoir comment engager et activer la reconfiguration de l’Etat de la 2ème République. Vaste chantier, il va sans dire.
Pour la circonstance, Taieb Bayahi, président de l’IACE, était entouré de Nafaa Enneifer, coordinateur des JE, Mejdi Hassen, cheville ouvrière des JE, ainsi que de Amine Ben Ayed, membre du Comité directeur de l’Institut.
Le format des JE est resté le même que l’année dernière. Il y aura une plénière d’ouverture, où l’on débattra du bien-fondé de la thématique du nouveau rôle de l’Etat.
Elle sera suivie de quatre panels dédiés aux quatre pistes de réflexion privilégiées par les organisateurs.
Le nouveau président de la République, Kaïs Saïed, invité par l’IACE, n’assistera pas à cette 34ème édition des JE, pour des raisons de calendrier de travail. Cependant, Mohamed Ennaceur, ex-président de la République et antérieurement président du Parlement, et Youssef Chahed, chef du gouvernement sortant, prendront part à la séance inaugurale.
Un aréopage de personnalités étrangères, de premier plan, dont le passage aux affaires a trait au thème des JE, participera aux panels et ne manqueront pas d’alimenter le débat avec une approche de benchmarking, fort édifiante, nous l’espérons, comme lors des sessions précédentes.
Le bien-fondé du thème des journées
La question du nouveau rôle de l’Etat est en ligne avec l’instant politique qui sévit dans notre pays. La Tunisie a élu un nouveau président. Le pays s’est donné un nouveau Parlement. Un nouveau chef de gouvernement (CDG) est en passe de former son équipe ministérielle. Tout est en place, par conséquent, a priori il n’y a pas d’inquiétude à se faire. Sauf que le moral des Tunisiens n’est pas au beau fixe et il n’y a toujours pas de retour, patent, de confiance. Le pays demeure dans l’expectative. Taieb Bayahi dira, non sans malice, que le sujet est au cœur des attentes des Tunisiens et de ses pairs, les chefs d’entreprise. De quoi sera fait demain, est une interrogation qui hante tous les Tunisiens.
Nafaa Enneifer, en toute responsabilité, invoquant le choc des crises politique, économique et culturelle qui secouent le pays, dira que ce nouveau tournant ne manquera pas d’impacter l’avenir du pays.
Avec une touche pragmatique, Mejdi Hassen estime qu’en temps de crise, les facteurs de risque sont connus mais qu’il reste à trouver les pistes de solution, c’est-à-dire de réformes utiles. Et il soulignera, avec pertinence, que le plus important sera de trouver l’allant nécessaire pour décider d’engager les réformes, que l’on a sans cesse repoussées ou différées.
Quant à Amine Ben Ayed, il dira que les JE déboucheront sur des résolutions qui auront été largement débattues et qui pourraient servir de référentiel pouvant inspirer cette entreprise majeure de reconfiguration de l’Etat tunisien.
L’impératif d’aller sur terrain
Dix années d’immobilisme, ça suffit ! Cela pourrait résumer le thème des JE, et puis si on lisait le thème de manière provocatrice, on dirait que l’entreprise connaît son rôle et qu’il appartient à l’Etat de trouver le sien. Et c’est bien cette partie du sujet qu’il faut tirer au clair.
Les panélistes ont conscience qu’ils serviront d’éclaireurs. Et en effet aux divers panels, les personnalités conviées ont été aux commandes pour engager la partie la plus hard de ce chantier, c’est-à-dire engager les réformes et les accomplir. Il en est ainsi de Abdallah Gül, qui a assuré la maîtrise d’œuvre de la refondation de l’Etat turc.
Pareil pour Alexis Tsipras, lequel a piloté le Plan d’ajustement structurel grec, en pleine débâcle financière de la Grèce, et au moment où la marge de manœuvre du pouvoir grec était des plus étriquées.
Ils prendront part au panel dédié qui se penchera sur le sujet de la crise politique et s’interrogera sur le profil de l’Etat efficace.
Alors, les modes d’emploi turc et grec pourront-ils apporter la ressource de détermination à la classe politique tunisienne, en ce moment de désarroi et d’indécision ambiante ?
C’est le cas de Dirk Niebel, ancien ministre allemand, lequel a piloté la modernisation de la politique industrielle de l’Allemagne. Ainsi que Paulo Carmona, homme politique et figure emblématique au Portugal pour avoir pris part sur terrain à la refondation de l’industrie portugaise. Leurs expériences pratiques ne manqueront pas de donner du relief au deuxième panel dédié à la relation entre la crise économique que traverse la Tunisie et le nouveau rôle de l’Etat qui doit en émerger.
Pareil pour René Tammist, ancien ministre de l’Entrepreneuriat et de la Technologie, de l’Information en Estonie. Lui aussi a été maître d’œuvre de la digitalisation de l’Estonie. On verra, de manière pratique dans le panel dédié à l’examen de la crise technologique qui tétanise le pays, un déclic pour enfin trouver une piste sur la voie du basculement numérique.
A l’évidence, les panélistes tunisiens -nous entendons Ghaei El Biche, CEO de l’entreprise de textile Van Laack Tunisie, ou Habib Karaouli, PDG de Cap Bank Tunisie- ne manqueront pas d’apporter la sensibilité d’implémentation à la situation tunisienne de toutes ces expériences étrangères. Beaucoup de ces personnalités tunisiennes ont, par le passé, apporté des contributions précieuses à la thématique de la réforme.
Puisse cette édition des JE conjuguer leurs efforts aux expériences internationales qui ont abouti avec succès et enfin donner l’étincelle au train de réformes qu’attend le pays.
Le nouveau rôle de l’Etat et le nouveau modèle économique
Cette édition des JE met le doigt sur la racine du mal. Pourquoi la Tunisie, qui est assez édifiée sur ce qu’il faut entreprendre pour réformer l’Etat et sauver le pays en lui donnant une vision sur son positionnement futur sur l’échiquier de l’économie mondiale, n’a rien entrepris ? Et n’a pas engagé le coup ? Pourquoi autant d’irrésolution ? Auparavant on s’est focalisé sur le nouveau modèle économique. Des contributions diverses ont été suggérées par de nombreux think tanks, dont le Cercle Kheireddine, ou Aiesec. Des pistes crédibles ont été formulées. Cependant tout est resté en plan.
Le Conseil d’analyses économiques, pour sa part, a opté pour la République contractuelle. En effet, le CAE propose des Pactes de compétitivités aux diverses filières de l’économie. Un premier pacte, dédié au secteur textile, est déjà en phase de réalisation.
En réalité, les propositions avancées sont restées éparpillées. Il leur faut un coordinateur pour en tirer une synthèse pratique. On ne sait s’il faut privilégier l’Etat développementaliste avec des politiques volontaristes. Et, en ce cas, comment lui demander de se retirer du secteur concurrentiel et de se contenter de son rôle de régulateur. Dans tous les secteurs d’activité, on sait que les opérateurs historiques, tous publics, pèsent sur le destin de leur filière. Il y avait comme une impasse intellectuelle.
Voilà que l’IACE propose le nouveau concept d’Etat efficace. Cette sensibilité managériale pourrait faire avancer le débat. En effet, parler d’Etat efficace revient à mesurer le rendement de l’Etat, donc à le remettre en marche. L’idée ne manque pas de substance. Vivement les 6 et 7 décembre.
Et comme chaque année, WMC vous fera vivre, comme si vous y étiez, des coulisses de cette 34ème édition des Journées de l’entreprise.
Ali Abdessalam