Dernièrement interpellé par des médias audiovisuels et écrits, sur ce que certaines parties considèrent comme un processus de “désindustrialisation“ du pays, Slim Feriani, ministre de l’Industrie et des PME, s’est démarqué de cette approche. Au contraire il a brossé un tableau optimiste des nouveaux redéploiements du secteur industriel en Tunisie.
Feriani semble, dans deux longues interviews accordées, entre autres à la chaîne de télévision privée El Hiwar Ettounsi et au magazine L’Economiste maghrébin, répondre surtout aux conclusions alarmistes d’une récente étude effectuée par le Conseil d’analyses économiques (CAE), think tank que préside Afif Chelbi.
Cette étude a mis en garde contre les risques de désindustrialisation de la Tunisie par l’effet du rôle nocif que jouent les monétaristes et les lobbys d’importateurs fort représentés à l’Assemblée des représentants du peuple et dans l’administration.
L’étude cite trois indices pour justifier ce déclin industriel, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011 : baisse continue de l’investissement avec la perte de 400 entreprises et de 40 000 emplois dans la seule filière du textile/habillement, cuir et chaussure, l’ouverture non maîtrisée des importations dopant l’économie parallèle et la suppression des incitations aux secteurs productifs.
Poursuite de l’investissement après 2011 avec de belles pointes
Réagissant à la théorie de désinvestissement industriel, durant les 9 dernières années, Slim Feriani a évoqué des performances accomplies, au cours de cette période, dans le secteur des composants automobiles. Il a rappelé, à ce sujet, que le groupe allemand Leoni a investi, à lui seul, 60 millions d’euros pour créer 5 000 emplois.
Selon lui, “même le secteur du textile/habillement, qui a chuté de 2 000 entreprises et 200 000 emplois, à 1 600 entreprises et 160 000 emplois, est aujourd’hui sur une trajectoire positive à la faveur de la conclusion avec l’administration d’un pacte de partenariat public/privé (PPP)”.
Cet accord, qui concerne la période 2019-2023, va permettre la création de 50.000 emplois dans le secteur d’ici 2023, la récupération de 4% de parts de marché du marché européen, la hausse des exportations de 4 milliards d’euros et la reprise de notre position parmi les 5 premiers pays exportateurs de textile vers l’Union européenne.
Mieux, Slim Feriani estime que cette période post-révolution a été marquée par l’émergence de nouvelles filières industrielles à forte valeur ajoutée. Parmi celles-ci, il a cité l’aéronautique. «Il y a une quinzaine d’années, cette filière était embryonnaire. Aujourd’hui, elle compte 17 000 emplois, environ 80 entreprises, des exportations de plus de 10 millions de dinars…», a-t-il souligné.
Émergence de nouvelles filières à haute valeur ajoutée
Il a fait mention spéciale pour la Corse Composites Aéronautiques (CCA), société offshore spécialisée dans le développement de pièces complexes en matériaux composites destinés à l’aéronautique. Cette société a investi, à elle seule, une extension à Enfidha pour un montant de 160 millions d’euros.
Autre filière citée par le ministre, l’agroalimentaire, particulièrement le conditionnement de l’huile d’olive, lequel a, d’après lui, de beaux jours devant lui. «Il y a une quinzaine d’années, a-t-il dit, cette filière était larvaire. Aujourd’hui, nous sommes des champions internationaux avec en prime une centaine de médailles et un potentiel à exporter (…) de loin supérieur à ce que nous avons fait jusqu’à ce jour».
Il a ajouté que «cette année, avec une production record de 350 mille tonnes d’huile d’olive, nous espérons faire mieux en matière d’exportation de l’huile conditionnée, d’autant plus que le quart de la production est constitué d’huile d’olive biologique à haute valeur ajoutée».
Migration vers les services
Il devait indiquer ensuite que partout dans le monde l’industrie est en train de se redéployer et de reculer au profit des services. «C’est une tendance structurelle : les secteurs des technologies, du transport, du tourisme, voire les services en général ont pris le dessus sur l’industrie», a-t-il fait remarquer.
Et d’ajouter : «ce que nous constatons, c’est que, depuis des années, toutes les économies du monde vont vers plus de services. 80% de l’économie américaine est constituée de services. Aujourd’hui, nous, en Tunisie, notre économie est faite au taux de 60% de services».
Au final, le ministre de l’Industrie estime que, sur la base d’autant d’arguments, parler de désindustrialisation ne lui semble pas refléter la réalité. «C’est injuste. Des milliers d’entreprises industrielles continuent à investir, à persévérer, à créer des emplois, à exporter …», a-t-il dit.
Pour lui, «l’industrie tunisienne est là. Elle reste la locomotive de l’économie du pays avec 20% des emplois, 90% des exportations et 17% du PIB». A son avis, «au lieu de parler de désindustrialisation, il serait plus utile de réfléchir sur les moyens d’aider l’industrie du pays à produire plus et mieux».
A bon entendeur !