Confronté aux conséquences du réchauffement climatique avec comme corollaires possibles réduction des ressources en eau, dégradation du sol, désertification et exode des communautés autochtones, l’écosystème oasien au sud de Tunisie bénéficie, depuis quelque temps, de la sollicitude de l’Etat tunisien, de la société civile mais surtout des bailleurs de fonds.
D’importants fonds sont mobilisés, depuis les années 80, afin de valoriser les 41 mille hectares d’oasis qui s’étendent sur quatre principales régions: Gafsa, Tozeur, Kébili et Gabès.
Les trois objectifs recherchés consistent à préserver « la riche biodiversité composée d’espèces endémiques, qui constitue la première source de revenu et d’emploi pour les habitants du sud du pays», à dissuader «la dégradation des ressources naturelles laquelle menace les moyens de subsistance des agriculteurs, des artisans et des commerçants des oasis, et enfin à assurer une gestion durable des écosystèmes oasiens.
Deux exemples qui illustrent de manière éloquente cet intérêt pour les oasis tunisiennes méritent qu’on s’y attarde.
Le premier est, déjà, une glorieuse réalisation, voire une success story, en l’occurrence l’oasis artificielle Regim Maatoug, tandis que le second est un projet porteur similaire qui vient d’être lancé, il y a seulement quelques semaines, à Fawar (région de Kébili).
Si Regim Maatoug m’était conté
Concernant Regim Maatoug, il n’est pas inutile d’en rappeler l’historique afin d’apprécier, à sa juste valeur, l’exploit accompli. De nos jours, une oasis prospère dans le sud de la Tunisie, Regim Maatoug était, dans le passé, un poste militaire avancé et une halte pour les tribus nomades du désert.
Selon la légende, Maatoug, qui a donné son nom à cette zone, aurait été un nomade enterré en ce lieu et dont la stèle constituait un point de repère pour les voyageurs.
Dans cette zone désertique, limitrophe du Chott el Jerid (sud- ouest du pays), seuls quelques arbustes résistaient aux conditions climatiques extrêmes. Et seuls nomades et militaires y survivaient durement.
Dès la fin des années 70, des chercheurs tunisiens ont travaillé sur la mise en valeur du Sahara et des régions présahariennes à aridité aigüe. Ils ont recommandé, au terme de leurs travaux, la mise en valeur des zones désertiques à la faveur d’«un schéma directeur des eaux du sud tunisien».
Ce plan a prévu la création d’une production végétale adaptée, de périmètres irrigués et de nouvelles oasis grâce à l’irrigation à partir des eaux souterraines.
Le but poursuivi est double. Il s’agit de lutter contre la désertification et d’urbaniser les zones arides.
La zone désertique de Réjim Maatoug, dotée de ressources hydrauliques souterraines, était parmi les localités retenues pour bénéficier de ce programme de valorisation du désert.
Financé par l’Union européenne et l’Italie, le projet a consisté en l’aménagement, à partir de 1984, sur plusieurs étapes, d’une oasis sur 2 500 hectares, a déclaré le colonel-major Fethi Chakchouk, chef du projet.
«Le défi était de transformer, en trente cinq ans, cette zone aride hostile en un jardin fleuri, voire en oasis et en agglomérations viables dotées de tous les équipements collectifs», a-t-il ajouté.
«Aujourd’hui, le pari est gagné, quelque 7 000 nomades sédentarisés vivent dans six villages, chacun jumelé à une oasis», explique Chakchouk.
Mieux, à Regim Maatoug, on produit la meilleure qualité de dattes, Deglet Ennour, se félicite-t-il.
«L’autre objectif recherché à travers la valorisation de cette zone est d’ordre écologique. Nous avons érigé des barrières naturelles sur 25 km pour protéger les oasis de Regim Maatoug contre l’avance du sable», a-t-il souligne le colonel-major.
Précisons qu’en raison des conditions climatiques extrêmes, la mise en œuvre de la valorisation de la zone de Rejim Maatoug a été confiée à l’armée tunisienne.
D’ailleurs, le rôle qu’a joué l’armée, depuis l’indépendance du pays en 1956, pour apporter aux communautés enclavées aide et soutien, lui a valu admiration et considération.
Un exploit reconnu internationalement
Visitant, il y a quelques années ce qui deviendra une petite ville entourée de palmeraies, le sénateur américain De Lacotte n’avait pas caché son admiration : «Alors que toutes les armées du monde sont engagées dans une course aux armements et rêvent de victoires, l’armée tunisienne est en train de remporter des victoires sur le désert», a-t-il dit.
Côté perspectives, l’Office de mise en valeur de Rejim Maatoug, structure en charge du développement de cette oasis, projette d’y diversifier la base économique en misant sur le développement du tourisme saharien et de l’énergie solaire.
Le succès de ce projet a encouragé l’armée tunisienne à projeter le lancement d’un projet d’oasis similaire, près de Kébili, chef lieu du gouvernorat dont relève la localité de Rejim Maatoug, et ce avec l’assistance du Fonds mondial de l’environnement, structure relevant de la Banque mondiale. C’est l’objet de l’article suivant.
A suivre…