Dans une interview diffusée dans la soirée de mercredi 18 décembre 2019 par la télévision publique Wataniya 1 et la chaîne privée Attasia, Youssef Chahed, le chef du gouvernement sortant, a affirmé que son équipe laisserait au prochain gouvernement “des finances publiques et une situation sécuritaire meilleures que lors de son arrivée au pouvoir en 2016”.
Il appelle son successeur à continuer de travailler dans la même direction.
Selon Chahed, les principaux défis auxquels sera confronté le prochain gouvernement sont les ressources à trouver lui permettant de répondre aux aspirations de la population dans les volets sociaux. “Ce qui nécessite la restructuration des institutions publiques, la généralisation de la numérisation, l’amélioration de la fiscalité et la promotion des secteurs productifs, tels que le phosphate, les énergies renouvelables et le champ de Nawara, qui fourniront 1% de croissance dans le budget de l’Etat en 2020”, calcule Chahed.
Je ne ferai pas partie du prochain gouvernement
Interrogé sur son éventuelle nomination au poste de ministre des Affaires étrangères, compte tenu de ses bonnes relations avec le président de la République, Kaïs Saied, l’actuel chef du gouvernement a indiqué qu’il ne sera pas ministre des Affaires étrangères et ne fera même pas partie du prochain gouvernement.
Il regrette par ailleurs d’avoir “… fait l’objet d’une campagne de dénigrement similaire à celle dont j’ai été la cible au cours des trois dernières années de la part d’une certaine classe politique qui ne veut pas de politiciens honnêtes luttant contre la corruption”.
Alors, Chahed appelle la classe politique à reconnaître ses erreurs et à tirer les leçons des récentes élections “qui ont puni le pouvoir et les partis d’opposition sur le même pied d’égalité”, notant que cette classe a ignoré ce qui s’est passé lors des dernières élections et “est revenue aux tensions alors qu’elle aurait dû changer sa façon d’exercer la politique”.
Tahya Tounes, une force de proposition
Il a promis que son parti, Tahya Tounes, ne sera pas une “force entravant l’action du prochain gouvernement”, notant que lors de sa rencontre avec le chef du gouvernement désigné Habib Jemli, il l’avait informé de la décision des structures du parti concernant sa vision d’un gouvernement de salut national.
“Le sort du prochain gouvernement ne dépendra pas de l’obtention de 109 voix requise au Parlement. Il faudra un véritable consensus entre les partis au pouvoir, et non un accord biaisé, semblable à ce qui s’est produit par le passé”, a-t-il dit.
Interloqué sur sa responsabilité concernant la dislocation de la famille centriste, il l’a rejeté en bloc, mettant les causes de cette dislocation sur le dos de Hafedh Caid Essebsi qui a voulu mener “une politique de l’héritage” dans le partie Nidaa Tounes.
Des réussites et des échecs…
A la veille de son départ de La Kasbah, Chahed estime qu’il avait réussi, au cours de son mandat de trois ans, sur certaines questions, mais commis des erreurs dans d’autres dossiers, soulignant que l’engagement de bras de fer avec le Parlement et à l’Union générale tunisienne du travail et la lutte contre la corruption lui ont causé de nombreux problèmes.
Chahed a ajouté qu’il avait tenu certaines de ses promesses, en particulier celles liées aux aspects de sécurité et au déficit du budget de l’Etat, expliquant que lorsqu’il a reçu le gouvernement après trois opérations terroristes majeures, tous les pays européens interdisaient les voyages de leurs citoyens vers la Tunisie, “ce qui a complètement changé l’année dernière en raison des efforts du gouvernement pour améliorer la situation en matière de sécurité et l’investissement dans la sécurité et la défense”.
Pour le chef du gouvernement sortant, la Tunisie a pris des mesures importantes en ce qui concerne la mise en place du système électronique à ses frontières orientales avec la Libye voisine, “ce qui a réduit considérablement la contrebande et a eu un impact positif dans la guerre contre le terrorisme”.
Il a appelé à ce propos à davantage d’investissements dans la sécurité et la défense, “car sans elles (sécurité et défense), nous ne pouvons pas parler d’investissement, emploi et développement, surtout après que la Tunisie a progressé de 15 points” au cours de son mandat, selon le Global Terrorism Index”.
Au sujet du déficit budgétaire de l’Etat, Chahed estime avoir atteint un pourcentage acceptable en termes de réduction, de 6,1% en 2016 à 3% l’an dernier, notant que le prochain gouvernement devrait améliorer ce pourcentage.
Il a également souligné le fait que son gouvernement avait réussi à augmenter l’épargne du pays en devises fortes de 1 milliard de dollars par rapport à ce qu’il était lorsqu’il a pris ses fonctions, soit 106 jours d’importations.
Coup de chapeau sur la notation souveraine de la Tunisie
Dans un contexte connexe, il a révélé que 2019 sera la première année, depuis 2011, au cours de laquelle la notation souveraine de la Tunisie ne baissera pas, “ce qui est une étape importante qui doit être soutenue, étant donné que les agences de numérotation souveraines se rendront en Tunisie dans les 3 mois pour voir l’étendue de la poursuite des politiques de contrôle du déficit du nouveau gouvernement, avant que la Tunisie puisse demander, à un stade ultérieur, une meilleure révision de sa notation”.
Déficit de communication…
D’autre part, le chef du gouvernement a reconnu que ce que son gouvernement avait accompli “n’était pas ressenti par le citoyen, qui souffrait plus que jamais du coût élevé de la vie et de l’inflation”, étant donné que les priorités de son gouvernement étaient orientées “vers l’investissement dans la sécurité plutôt que dans les questions sociales, le développement, l’emploi et les services publics”.
La Tunisie a progressé de 3 places…
Concernant la lutte contre la corruption et les critiques qui lui ont été adressées pour sélectivité et représailles, il a indiqué que la Tunisie avait progressé de trois places sur l’échelle de Transparency International, soulignant les réformes qu’il avait entreprises au niveau de la législation et de la promotion du pouvoir judiciaire et du pôle judiciaire et financier.
Il considère que son gouvernement “avait fait de gros efforts” dans le domaine de la lutte contre l’évasion fiscale, “la plus grande preuve en est la sortie de la Tunisie de la liste noire du Groupe d’Action Financière international (GAFI)”, ajoutant que son gouvernement, lors de l’ouverture du dossier de restructuration des entreprises publiques, n’a reçu aucun soutien d’aucun parti politique, malgré le fait que les propositions n’avaient pas pour but de les privatiser.
En ce qui concerne les nominations récentes, Chahed a fait valoir que le seul critère en était l’efficacité et qu’elles étaient opérées pour combler des vacances de postes et assurer la continuité de l’Etat.
Il a également défendu le ministre de l’Enseignement supérieur, Slim Khalbous, qui a récemment présenté sa démission pour prendre la direction d’une organisation internationale, estimant que son nouveau poste “consolide la présence de la Tunisie à la tête de telles organisations dont elle était absente ces dernières années et pourra défendre ses intérêts”.