L’inclusion financière est à activer en toute hâte, soutient le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane El Abassi. Il faut y consacrer les moyens technologiques adéquats. Et pourquoi ne pas tenter une stratégie concertée au niveau maghrébin ? Les Banques centrales maghrébines doivent y jouer un rôle majeur.
Lors du Forum de l’Union des banques maghrébines (UBM), Marouane El Abassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), a pris une position solennelle. Les sociétés de paiement ont envahi le champ bancaire de par le monde. Et le Maghreb y viendrait à son tour. Cela crée une situation inédite de dualité monétaire. En soi, c’est un cas de franchissement d’espèce.
On comprend que les Banques centrales s’en accommodent mal. Et en sa qualité de banquier central, on comprend que Marouane El Abassi souhaite anticiper une parade pour endiguer le stream des sociétés de paiement. Au Maghreb, les banques pourraient procéder en concertation sans se lier par un plan d’action contraignant.
Pour sa part, le gouverneur de la BCT préconise une stratégie collective, qui reste à implémenter, aux couleurs nationales de chaque pays. A chacun selon ses moyens et son tempérament national, pourvu qu’il y ait une dynamique d’ensemble.
Marouane Abassi plaide, solennellement, pour une activation en urgence de l’inclusion financière, pour un meilleur dynamisme économique dans les pays de la région. Cependant, chaque mission appelle des moyens, et le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie de soutenir que les solutions technologiques offertes par les opérateurs maghrébins peuvent offrir l’allant nécessaire et avoir le répondant adéquat pour satisfaire à l’objectif de l’inclusion financière.
Une situation inédite de dualité monétaire
L’inclusion financière est une parade salutaire, rappelle le gouverneur de la BCT, à l’érosion de la vigueur de l’économie. Mezza voce, pour ne pas altérer l’ambiance du moment ; ou pour ne pas effrayer le mental des banquiers, il appelle à juguler l’exclusion financière qui est un mal sournois. Et, prévient-il, aux conséquences incalculables.
Il convient de suite de le prendre en mains et d’échafauder une stratégie efficiente pour activer l’inclusion financière. A laisser faire, on récoltera les FinTech. Elles ont été à l’origine de la création de la cryptomonnaie et ont mis en place des plateformes pour la circulation de cette cryptomonnaie.
C’est ainsi qu’est née la Blockchain. Cette dernière répond aux besoins des laissés pour compte du système bancaire. L’ennui est que la Blockchain a franchi le Rubicon, s’arrogeant le droit de la frappe de la monnaie. Ce pouvoir était reconnu exclusivement aux Etats et c’est le symbole même de la souveraineté nationale. Et la Blockchain a investi certains pays africains et finira par s’installer sur les marchés maghrébins, restés cloisonnés au plan bancaire. Mais tous vivent cette intrusion, avec la même appréhension.
Les Banques centrales maghrébines seront donc doublées dans leur fonction de création de monnaie fiduciaire. Un défi terrible. Et elles ne sont pas que durement challengées dans leur fonction essentielle de frappe de la monnaie. Et elles auraient à affronter, sitôt la Blockchain installée, des plateformes de marché monétaire où on échange et on place des flux qui leur échapperaient. Le danger est que tout cet écosystème, rappelle le gouverneur, se passe sans filet de sécurité, sans régulation.
Les opérateurs de la Blockchain ne sont pas à l’abri, faute d’un cadre réglementaire, d’éventuels risques de défaut. Et les pays se retrouveraient exposés car rien ne les protège contre les éventuelles tentatives de blanchiment de l’argent sale, via le stream des Blockchain.
De crainte de casser l’ambiance, le gouverneur a pris soin de choisir ses mots, mais son message était clair, il faut que les pouvoirs politiques, dans la région, se saisissent de la question de l’inclusion financière.
Pour leur part, les Banques centrales y sont préparées.
Inclusion financière : Marouane Abassi plaide l’effet “Momentum”
En d’autres circonstances, Marouane Abassi était intervenu publiquement pour appeler les parlementaires tunisiens de l’ancienne Assemblée des représentants du peuple à activer le vote de la loi sur l’amnistie de change. Son argumentaire s’adossait à un constat pertinent et qui ne prête pas à polémique. L’inclusion financière, tout le monde y gagne. Et pour appuyer sa démarche, il soutenait qu’il y a un effet momentum, c’est-à-dire que cette mesure viendrait à un moment opportun si elle était votée.
Il ne faut pas y voir un coup de pouce favorable au pouvoir en place. Il s’agit bien d’une mesure de salut pour l’économie du pays, et par-dessus tout, elle ferait l’affaire de tous. Le pays en sortirait gagnant. Et, partant du principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets, les pays maghrébins seraient bien inspirés d’étendre cela à l’inclusion financière et en parallèle réaliser l’inclusion de l’écosystème de la cryptomonnaie.
Il faut bien admettre que la création de la cryptomonnaie est un acte de sédition. Au plan sémantique et selon le Larousse, cela signifie “soulèvement concerté et préparé contre l’autorité établie”. Un modus vivendi peut être trouvé. Il convient, en première approche, soutient El Abassi, qu’il faut aligner face au challenger une puissance de feu, enfin une force de frappe technologique respectable, qui fasse contrepoids. Outre cela, il faudrait reconfigurer le cadre réglementaire de la profession.
Les Banques centrales maghrébines ont-elles les moyens de faire face à la Blockchain, à l’avenir ? Il ne s’agit pas d’une logique de confrontation, dans l’esprit de Marouane Abassi, mais bien d’une prise en main de la situation. Les Banques centrales et commerciales doivent penser à préserver leur ascendant en matière de création monétaire et de distribution du crédit.
Il ne s’agit pas de neutraliser la Blockchain, mais bien de la garder sous contrôle tout en la protégeant de ses éventuelles dérives. Les défaillances des sociétés de paiement restent des risques plausibles et il convient de protéger la communauté des épargnants de cet écosystème.
La sortie par le haut
Comment composer avec les sociétés de paiement et comment faire refluer les populations clientes de cet écosystème vers le système bancaire ou le micro crédit ? Là est la principale question. Et en la matière, Marouane Abassi s’avance et prend ses responsabilités. Il soutient que l’écosystème technologique des cinq pays du Maghreb peut être mis à contribution. Et, si on l’aide, avec discernement et volontarisme, il pourrait s’émanciper, ajoute-t-il en substance. Et, cela donne du relief à ses prises de position.
De la sorte, nos développeurs (start up) se retrouveraient en situation d’aller vers des solutions globales. Ce qui arrange tout le monde.
Abassi fait de l’émancipation technologique du secteur bancaire son cheval de bataille et la mère de toutes les batailles pour la profession. Il s’exprime avec une certaine autorité car la BCT s’est mobilisée pour ce chantier impressionnant.
Rappelons, par ailleurs, que Marouane Abassi a été plébiscité, par ses pairs de la région, pour présider le Conseil des canquiers centraux du Maghreb. L’émancipation technologique de la profession bancaire dans le Maghreb serait un rendez-vous avec l’histoire pour Marouane Abassi. Parier sur le Maghreb des start up technologiques est un acte, pour le moins, dans l’air du temps et dans la marche du siècle. C’est une manière de se mettre en intelligence avec la situation, de manière volontariste et non artificielle. A priori, cela tient la route.
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