Trois sources d’information le prouvent. Il s’agit du bilan établi par le projet de loi de finances complémentaire pour 2019, de l’analyse de la situation économique de la Tunisie en 2019 par la Banque mondiale et d’une analyse du centre de recherche de la banque Attijari bank «Attijari Global Research».

Ce recul de la croissance a eu lieu en dépit d’une bonne saison touristique (9 millions de touristes) et d’une bonne récolte céréalière (2,4 millions de tonnes) et oléicole (350 mille tonnes).

Estimée officiellement à 1,4%, en 2019 contre 3,1% prévus, la croissance économique en Tunisie vient rompre une série d’accélérations de l’évolution économique observée depuis 2016 et qui a porté le taux de progression du PIB de 0,8% en 2015 à 2,5% en 2018. Ceci confirme le caractère fragile de la reprise économique en Tunisie et l’éloigne du seuil de 5,3% observé lors du quinquennat 2004-2008, note en substance le Centre de recherche de la banque Attijari bank.

Ce recul de la croissance a nécessité, comme d’habitude, l’élaboration d’une loi de finances complémentaire. Cette dernière est justifiée par des dépenses non prévues par la loi de finances (LF) initiale de la même année.

Globalement, l’écart enregistré se situe au niveau des dépenses de l’Etat qui ont augmenté de 2,260 milliards de dinars dans la LFC 2019 par rapport à la loi de finances initiale, passant de 40,861 milliards de dinars à 43,121 milliards de dinars.

Ces dépenses supplémentaires sont réparties comme suit : 649 MDT suite aux accords d’augmentation salariale conclus avec l’UGTT début de 2019 ; 567 MDT absorbés par l’augmentation du service de la dette ; et 438 MDT dédiés à la hausse de la subvention carburant en raison de la non application de la totalité des ajustements de prix prévus par la loi de finances initiale et du retard d’entrée en exploitation du champ pétrolier et gazier Nawara.

Les écarts de dépenses proviennent, également, des interventions à la CNRPS, estimées à 324 MDT, de la prime de 200 MDT de la rentrée scolaire, des 100 MDT supplémentaires alloués au développement et d’un montant supplémentaire de 43 MDT attribué à l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE).

Pour combler ces écarts, le projet de loi complémentaire table sur une augmentation des impôts directs de 2,413 milliards de dinars (augmentations salariales + effort supplémentaire de recouvrement), des revenus de participations de 367 MDT (dividendes de la Banque centrale principalement) et d’une augmentation de 40 MDT de dons extérieurs et de 144 MDT d’emprunts intérieurs.

Dans un rapport de suivi, publié le 9 octobre 2019, sur la situation économique de la Tunisie, la Banque mondiale a également révisé à la baisse les prévisions des agrégats économiques retenus dans la loi de finances 2019.

En voici l’essentiel :

Le taux de pauvreté devrait rester en deçà de 3% sur la base du seuil de 3,2 dollars en parité de pouvoir d’achat (PPA) par jour et de 0,3% si l’on retient le seuil fixé pour l’extrême pauvreté.

Concernant l’inflation, la Banque mondiale rappelle qu’elle «s’est nettement accélérée entre 2017 et la première moitié de 2018 pour atteindre 7,8% en juillet 2018, et que pour y faire face, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a relevé son taux directeur à 7,75%».

La Banque semble se féliciter «des mesures prises par les autorités, en 2019, pour appliquer des ratios prêts/dépôts plus serrés parmi les banques et réduire les injections de liquidité par le biais de conversions de change».

«En conséquence, l’inflation a ralenti depuis le second semestre de 2018 et s’est établie à 6,7% en août. Les taux d’intérêt réels (à l’exception de certains taux d’intérêt sur dépôts) sont maintenant positifs», lit-on dans le rapport.

Et la Banque d’ajouter : «L’inflation devrait continuer à diminuer, pour autant que la politique monétaire reste focalisée sur ses objectifs centraux».

Autre agrégat révisé à la baisse, le déficit budgétaire pour 2019. Pour la Banque, ce déficit «devrait atteindre 5,3% du PIB par rapport à l’objectif initial fixé par la loi de finances, soit 3,9% du PIB, en raison d’un taux de croissance du PIB nettement inférieur aux prévisions, des hausses de salaires dans la fonction publique et d’une croissance à deux chiffres des paiements d’intérêts, des facteurs qui concourront tous à contrecarrer les effets de l’augmentation substantielle des recettes».

Pis, la Banque considère que «la récente décision de justice à la défaveur de l’État dans l’affaire de la Tunisian Foreign Bank-  entendre par là l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT)- nécessitera de constituer des provisions pour les pénalités.

La dette publique culminera en 2020 à près de 89% du PIB contre un taux prévu de 72% en 2019, avant de commencer à décliner, en supposant que la dynamique de réforme s’enclenchera après les élections présidentielle et législatives.

Est-il besoin de rappeler que ce taux d’endettement de 89% ne tient pas compte ni de la dette des entreprises publiques ni de la dette des groupes privés ?

ABS