Pris en charge et valorisé à l’extrême par le jeune Etat tunisien, au lendemain de l’indépendance, dans le cadre de l’économie sociale et solidaire que favorisait le collectivisme, des années soixante, en raison de sa forte employabilité et de la modicité du coût de l’emploi qui y est créé, l’artisanat tunisien a été, depuis et jusqu’à ce jour, marginalisé et même décimé à dessein.
C’est seulement depuis le soulèvement du 14 janvier 2011 qu’on a commencé à se rendre compte de la gravité et de l’ampleur des dégâts occasionnés à ce secteur par l’effet des stratégies déstructurantes arrêtées par ce même Etat tunisien, cinq décennies durant.
Dans ses rapports sur la corruption, l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) cite, en bonne place, les responsables qui se sont relayés à la tête de l’Office national de l’artisanat (ONA) en se donnant un vilain plaisir à déstructurer cyniquement cette activité à forte employabilité et à la mettre à genoux…
Est-il besoin de rappeler que, par l’effet de cette mauvaise gouvernance et de cette corruption structurelle qui gangrène le secteur, plusieurs branches artisanales ont disparu avec comme conséquence le recours du ministère du Commerce à l’importation pour inonder nos souks de «nos produits imités ou contrefaits» à l’étranger, particulièrement en Chine.
L’artisanat, un secteur adapté au contexte tunisien
De nos jours, on s’est aperçu, chiffres à l’appui, que cette activité ancestrale peut résoudre non seulement la problématique du chômage de centaines de milliers de jeunes, mais également rapporter gros à l’export.
Pour ne citer que le chiffre le plus récent, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat indique que l’investissement dans cette activité a atteint 24,4 MDT en 2019, contre 22,134 MDT en 2018. Ces investissements étaient de l’ordre 22,608 MDT en 2017 et 16 MDT en 2016, d’après la même source.
Au rayon de l’export, au cours du même exercice 2019, les produits de l’artisanat exportés ont rapporté des recettes de l’ordre de 80 MDT, contre 79 MDT en 2018.
Mention spéciale pour la performance des exportations des articles confectionnés à partir du bois d’olivier. Elles ont rapporté à elles seules, en 2018, quelque 33 MDT dont 17,6 MDT sur le difficile marché américain.
Des stratégies pour valoriser le secteur
Encouragé par cette performance, l’Office de l’artisanat a décidé d’arrêter une stratégie sur quatre ans, dans l’objectif de porter le montant des recettes des exportations de ce produit à 100 MDT pour le marché américain et à 500 MDT pour l’ensemble des débouchés extérieurs.
Cette stratégie devrait créer à terme 5 000 à 7 000 emplois, sachant que les nouveaux artisans sont de plus des diplômés d’instituts supérieurs et de centres de formation professionnelle.
Mieux, pour valoriser tout ce savoir-faire en la matière et tirer le meilleur profit de la numérisation, l’Association Be Tounsi, un collectif qui promeut l’artisanat tunisien, de concert avec Digitalisman, une boîte de communication privée, sont en train de développer une plateforme devant aider les artisans tunisiens à conquérir les marchés européens.
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Ce projet baptisé “boosting du secteur artisanal à travers une plateforme e-commerce sur l’Union Européenne” et géré par le CEPEX a pour ultime objectif de diversifier les marchés d’exportation et de faire connaître au mieux les produits artisanaux tunisiens. Il s’agit aussi de vendre directement à la clientèle européenne sans intermédiation et de garantir une meilleure rémunération en devises des articles.
En dépit de ces bonnes nouvelles, le secteur continue de souffrir de deux handicaps majeurs, à savoir l’insuffisance de la production et la non-disponibilité des financements.
Pour ce dernier handicap dont dépend le premier, espérons que le Parlement adoptera, dans les meilleurs délais, le projet de loi sur l’Economie solidaire et sociale (ESS) que lui a soumis le gouvernement, depuis le 11 décembre 2019. Ce projet prévoit la mise en place d’importants mécanismes pour le financement des petits métiers dans le secteur de l’artisanat.