“La Tunisie a besoin de réformes, qui auront pour dénominateur commun, l’inclusion”, estime l’homme d’affaires et économiste, Radhi Meddeb, dans une interview à l’Agence TAP.
Pour lui, il faut agir pour que “tous les Tunisiens des régions intérieures ou du littoral, les jeunes et les moins jeunes et ceux de la diaspora puissent être partie prenante du processus de création et de distribution des richesses”.
Il met l’accent également sur l’importance de l’inclusion financière, faisant remarquer que “près de 50% des Tunisiens ayant plus de 15 ans, détiennent un compte bancaire ou postal. Ce chiffre est resté stable depuis 40 ans. En outre, une part importante de ces personnes ne font aucun usage de ce compte, sauf celui de recevoir et de retirer leurs salaires, pour le dépenser”.
Le compte bancaire ou postal est le début de l’inclusion financière, affirme-t-il, car il permet à son titulaire d’avoir une avance sur salaire ou sur revenu. “Des expériences internationales dans les pays africains ont montré que si la volonté politique existait, on pouvait augmenter considérablement, le nombre de titulaires de comptes bancaires ou postaux”.
L’inclusion financière passe également, par la microfinance et la banque mobile (à travers le téléphone mobile), ce qui offre au “citoyen de condition modeste, souvent intimidé par le marbre, le luxe et tout l’environnement bancaire, la possibilité d’avoir un compte à travers son portable, ce qui lui facilite la vie”, ajoute-t-il.
L’expert s’attarde également, sur l’inclusion fiscale et la nécessité de réduire le nombre des fraudeurs qui bénéficient des services publics, sans y contribuer, afin d’alléger le poids de la fiscalité. “Nous avons le devoir de développer une fiscalité inclusive, moins lourde et supportable par tous les contribuables”.
L’inclusion doit être également, le maître mot dans la réforme de la santé et de l’école publique, laquelle doit permettre à tous les tunisiens, de bénéficier d’un enseignement de qualité.
Il s’agit selon Meddeb,” de lever toutes les formes d’exclusion qui créent des inégalités, des frustrations et empêchent la collectivité de bénéficier de l’intelligence et de la force de toutes ses composantes”.
Il précise que les réformes ont pour objectif de répondre à trois types d’exigences non satisfaites et qui ont été derrière la révolution de 2010/2011, citant la première exigence, celle de “lever les entraves devant l’acte d’entreprendre” et de créer “de plus grande opportunités économiques et d’emplois dignes, en rapport avec la compétence et l’ambition de jeunes souvent diplômés”.
Et de rappeler que “l’étincelle ayant déclenché la révolution, a été l’immolation par le feu d’un jeune qui voulait simplement, travailler. Il ne demandait rien à personne, juste pouvoir vendre ses fruits et légumes, en dehors des contraintes administratives”.
Quant à la 2ème exigence, elle porte sur de meilleures conditions de vie et de meilleures conditions sociales, “au lendemain de la révolution, on a réalisé que la pauvreté avoisinait les 20% de la population et que les écarts de niveau de vie étaient intolérables. Elle les sont encore aujourd’hui”.
La troisième exigence est celle d’avoir plus de liberté. A cet égard, Meddeb, dont le bureau d’études en ingénierie, a réalisé des études sur l’économie tunisienne, estime que la constitution de 2014 “a été généreuse en matière de liberté et de droits, mais ces derniers sont souvent restés formels, comme par exemple la liberté religieuse”.
Pour lui, depuis la révolution (17 décembre 2010/14 janvier 2011), si les Tunisiens ont gagné beaucoup en terme de liberté, ils ont vu en même temps, leurs situation économique et sociale se dégrader, leur pouvoir d’achat s’éroder, le chômage s’aggraver, les horizons se fermer devant beaucoup de familles, et la qualité du service public faiblir en matière de santé, d’éducation…, alors que l’immigration légale et clandestine explosait.
Depuis 2011, “le tunisien a goûté à la liberté et n’acceptera plus jamais ni le retour à une quelconque forme de répression ou limitation de sa liberté, ni une érosion dans la durée, de son pouvoir d’achat”.
L’expert rappelle un paradoxe, qui désormais, caractérise la situation dans le pays: “les jeunes diplômés ont du mal à être embauchés en Tunisie et sont perçus comme un fardeau à charge pour la collectivité, alors que dés qu’ils ont la possibilité d’aller à l’étranger, ils sont capables de produire et de contribuer à l’enrichissement des autres. C’est bien dommage de se séparer de ces forces vives et de les offrir sur un plateau d’argent, au reste du monde”.