La France lance une dynamique nouvelle dans ses relations de coopération et d’échanges avec tous les pays africains. Elle se présente comme le partenaire fiable pour les défis du futur. L’approche est juste, et l’offre consistante. Parviendra-t-elle à se faire entendre des chefs d’Etat africains ?
La France abritera, dans la ville de Bordeaux, du 4 au 6 juin prochain, le 28ème sommet Afrique–France. Point de détail : cette fois, la France émet une offre globale. Les 54 chefs d’Etat africains, donc anglophones et lusophones compris, y sont conviés.
Des représentants du cabinet Richard Mattias, chargé de la réalisation de l’événement étaient à Tunis pour exposer le nouveau concept du sommet. C’était à l’initiative commune de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie et de l’UTICA, toutes les deux prendront part à l’événement. Samir Majoul, en personne, a assisté à la démonstration.
Ce 28ème sommet est conçu pour être le Sommet de rupture avec la politique ancienne de FrançAfrique, entachée de nombreux écarts. Et dans le même temps, il véhicule une vision pour un futur gagnant-gagnant et d’égal à égal. Et, pour souligner ce trait de renouveau, Emmanuel Macron entend imprimer un éclat particulier à cette manifestation, qui se veut une main tendue au continent africain.
En tout cas, le concept du sommet reflète bien ce changement d’attitude qui se veut en nette rupture avec le passé.
Tourner la page
A Bordeaux, la France entend mettre les petits plats dans les grands. Le Sommet Afrique-France quitte Paris et les Salons de l’Elysée pour se tenir à Bordeaux. La France entend rappeler que l’offre qu’elle adresse au continent émane -pas que de l’Etat français- également des régions de France. Cela ouvre la voie à une nouvelle la page dans la gestion des territoires et à un pari fort sur le développement des flux d’échange entre les régions de France et d’Afrique.
S’agissant d’un tournant fondateur dans les relations entre les deux partenaires, des événements festifs symboliques encadreront le déroulement du Sommet. Ainsi, un match ou de foot ou de rugby opposera les bleus à une sélection africaine. Il sera suivi, le lendemain, par un spectacle d’opéra. Rien de tel que le sport et la Musique, pour sceller la volonté de rapprochement et d’unité, recherchée par la France.
Le Salon professionnel : La “Cité des solutions”
Ce sommet aura un habillage particulier. C’est, certes, un événement politique de taille, mais il sera immergé dans un environnement de business. On sera en rupture avec le format classique de concert de discours officiels.
A Bordeaux, l’événement sera articulé autour d’un giga Salon professionnel qui accueillera exclusivement des entreprises françaises et africaines. De la sorte, le dialogue sera strictement bilatéral, pour être franc et direct. Toutefois, le Salon sera ouvert aux institutions financières internationales et multilatérales.
Ce Salon est conçu comme une ville avec sept quartiers. Chaque quartier représente un thème en ligne avec les soucis de la ville du futur. Il sera question de la ville connectée (Smart city), de même que l’énergie renouvelable, le développement durable, la nouvelle éducation et la nouvelle santé, enfin tout ce qui a trait au milieu urbain du XXIème siècle.
Naturellement ce champ sera exploré en joint-venture par les entreprises et les experts des deux bords. La France considère que les deux parties réunissent les atouts nécessaires pour faire face aux défis du continent, à l’avenir.
Il faut signaler que le continent connaît une forte démographie et que les 2/3 de la population africaine se projettent dans l’espace urbain. C’est d’ailleurs ce qui a motivé le choix de la Cité des Solutions. La France souhaite prendre le continent par la main et partir à la rencontre du futur.
Last but not least, le Salon fera une grande place à un cyber espace pour accueillir mille start up africains. Leurs promoteurs seront invités au Sommet, entièrement pris en charge par l’Etat français. Sur les trois jours que durera le Salon, il y aura 800 instants de prise de parole. On discutera à fond entre officiels et représentants des communautés d’affaires des deux bords.
Une perspective de rupture
Avec la Cité des Solutions, la France signifie au continent qu’elle propose un new deal bénéfique à tous. Finie la politique de FrançAfrique qui a été un mirage pour le développement et qui a permis une asymétrie d’échanges qui a favorisé d’abord et avant tout les intérêts français. La France se retrouve en perte de vitesse sur le continent et l’abandon du Franc CFA vient sonner comme un désaveu.
Elle fait ce forcing en vue de rebâtir une relation plus équilibrée avec les pays africains dans l’intérêt bien compris des deux parties. Cette offensive, qui émane d’une vision sincère, n’en est pas moins une réaction à un processus d’éviction entamé par des puissances rivales.
Ainsi, en est-il de la Chine qui tente de s’emparer du continent par son offre des routes de la soie. La Russie, plus timidement, louvoie, sans faire une offre concrète. La Turquie veut également arracher sa part du gâteau. Il faut dire qu’elle en a plus l’ambition que les moyens. On la voit jouer des coudes pour marquer sa présence. Et la Toute puissante Amérique n’entend pas laisser faire et veut revenir dans la partie avec son initiative “Prosper Africa“ qu’elle a adossée au FITA 2020.
Avec la France, les choses prennent une tournure plus responsable. On est dans le co-développement et la colocalisation. La relation entre la France et la Tunisie revêt, de ce point de vue, un caractère d’exemple comme le soulignait Habib Gaida, DG de la CTFCI.
Depuis plus de dix ans, faut-il le rappeler, le solde commercial est à l’avantage de la Tunisie. Les entreprises françaises investissent dans les centres de recherche, ce qui est bien la preuve que les investisseurs français ne sont pas attirés que par les bas salaires ou les effets d’aubaine. Ils manifestent une volonté sincère en faveur d’un partenariat réel, soulignant la grande attractivité du site tunisien et témoignant de la grande qualité de nos RH.
L’offre française adossée aux soucis actuels du continent témoigne d’une volonté sincère d’un désir d’avenir commun. On ne peut pas dire autant des propositions émanant de puissances éloignées, Chine ou Etats-Unis entre autres. Avec ces deux puissances, le continent est mal loti pour endiguer leur volonté d’hégémonie.
Pour leur part, la Russie et la Turquie ne disposent pas du répondant de partenariat nécessaire à l’Afrique.
Par contre, l’offre française semble dimensionnée sur mesure pour l’Afrique. La France serait la mieux indiquée de tous. Elle joue une carte gagnante en Afrique car si le continent lui donne la main, elle gagnerait nettement en standing. Une venture coopération avec l’Afrique ferait d’elle une puissance économique planétaire. D’autant qu’en Europe, l’axe Paris-Berlin est mis à mal. Le supplément de force qu’elle tirerait d’une coopération avancée avec l’Afrique serait déterminant pour renforcer son positionnement planétaire. De ce fait, elle ne pourra que jouer franc jeu avec le continent. Et ce dernier disposerait d’une vraie planche de salut pour l’avenir.
Le deal, étant équilibré, nous paraît tout à fait recevable.
Ali abdessalam