Les observateurs locaux et étrangers de l’économie tunisienne sont unanimes pour relever que les déficits faramineux des grosses entreprises publiques (RNTA, Tunisair, STEG, TRANSTU, CGT…) constituent de sérieuses entraves à la relance de la croissance en Tunisie.
Est-il besoin de rappeler, à titre indicatif, qu’avec des pertes cumulées de 800 millions de dinars à fin 2018 et autant pour ses dettes cumulées, à ce jour, la Société des transports de Tunis (TRANSTU) est logiquement une entreprise en faillite.
Néanmoins, ces mêmes observateurs divergent quant aux solutions qu’ils proposent pour redresser et restructurer ces mastodontes devenus un fardeau pour les finances publiques.
Pour les analystes, ministres et centrales patronales locaux (experts, UTICA, CONECT), il n’existe qu’une seule solution : s’en débarrasser en les privatisant et en utilisant les recettes de leur cession aux privés pour soulager les finances publiques.
Focalisation sur la privatisation de la RNTA et de la BH-bank
Ils se focalisent, dans un premier temps, sur la privatisation d’une des trois banques publiques, à savoir la BH-Bank, mais aussi de la Régie nationale de tabac et des allumettes (RNTA) pour mobiliser, environ 4 milliards de dinars, un montant qu’ils estiment suffisant pour amorcer une sortie de crise.
Mention spéciale pour de hauts cadres du pays pressentis pour d’importants postes dans le futur gouvernement, dont certains sont de farouches partisans de la privatisation, particulièrement de la RNTA.
C’est le cas d’Elyès Fakhfakh, chargé de former le futur gouvernement. Alors candidat à la présidentielle anticipée de 2019, voici ce qu’il avait déclaré, le 3 septembre dernier : «Oui, je suis favorable à la privatisation de la Régie nationale des tabacs et des allumettes tout en ayant des garanties pour les employés de cette société. L’Etat doit désormais prendre des taxes et non produire le tabac».
Devenu président du gouvernement, par un hasard de circonstances, Fakhfakh va-t-il engager le processus de privatisation de la RNTA ? Ce n’est pas si évident, car entre les promesses de campagne et la réalité il y a souvent un océan.
Pour sa part, Fayçal Derbal, député nahdhaoui et pressenti pour le portefeuille des Finances, a souvent plaidé, même au temps où il était ministre conseiller auprès du chef du gouvernement Youssef Chahed chargé du dossier économique, pour la cession de la RNTA, soulignant que seule la privatisation peut constituer une solution pour lutter contre la contrebande de tabac.
Pour la Banque mondiale, la solution réside dans la gouvernance privée
Les observateurs étrangers, particulièrement les bailleurs de fonds, préfèrent parler plus de transformation des entreprises publiques tunisiennes que de leur privatisation.
Pour preuve, lors de récentes interviews accordées aux médias tunisiens, dont la plus récente à la chaîne de télévision privée, AlHiwar, Tony Verheijen, représentant-résident de la Banque mondiale (BM), a indiqué qu’au sein de son institution «on ne parle pas de la privatisation, mais de transformation des entreprises publiques pour qu’elles opèrent dans une mentalité commerciale».
Il n’a pas caché sa déception du gouvernement tunisien de voir «… les efforts qui ont été déployés dans des actions de la BM dans les appuis budgétaires pour soutenir la réforme des entreprises publiques n’aient pas réussi, et on ait aujourd’hui une situation de presque échec».
Concrètement, les bailleurs de fonds sont pour l’introduction dans les entreprises publiques d’un management efficace et rentable similaire à celui en vigueur dans le secteur privé.
Cela pour dire qu’au regard de cette approche des bailleurs de fonds, l’affaire de privatisation des entreprises publiques tunisiennes à laquelle la centrale syndicale (UGTT) est farouchement opposée -et il faut la comprendre- est une affaire tuniso-tunisienne.
Une telle situation augure, à l’horizon, de gros différends entre les prédateurs à l’affût de ces entreprises agonisantes et des syndicats déterminés à défendre les intérêts des ouvriers de ces entreprises, fussent-ils pour la plupart des resquilleurs et des bras cassés.