Au regard des commentaires corrosifs qui on suivi l’annonce de la liste définitive du gouvernement de Elyès Fakhfakh, il n’est pas interdit de penser qu’il existe des risques que celui-ci n’obtienne pas la majorité de confiance requise (109 voix) à l’Assemblée des représentants (ARP). Et même s’il parvenait à passer, on lui donne une durée de vie de seulement quelque mois, selon certains observateurs.
La cause ? De graves divergences idéologiques et structurelles entre ses membres.
Les principales critiques –objectives- à l’endroit du gouvernement Fakhfakh sont articulées autour de deux reproches.
Le premier consiste en l’exclusion de plusieurs partis forts représentés, dans le cadre de blocs parlementaires, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Il s’agit, particulièrement de Qalb Tounès (38 députés) et d’Al Karama (21 députés) qui comptent à eux seuls donc quelque 59 députés. Si on leur ajoute le bloc du Parti Destourien Libre (17 membres), le bloc National de Réforme (15), le bloc Al Mostakbal (9), et d’autres députés indépendants l’opposition non représentée de manière significative au sein de ce gouvernement, l’ensemble compterait plus de 106 députés sur un total de 217 députés.
C’est tout simplement énorme et inadmissible quels que soient les motifs d’exclusion évoqués.
Une exclusion exagérée et inadmissible
Les partis exclus, qui ont l’avantage d’avoir été élus, contrairement à Elyès Fakhfakh qui n’a récolté que 0,34% des voix lors de la présidentielle anticipée de 2019 et dont le parti Ettakatol n’a obtenu aucun siège aux dernières législatives, peuvent prévaloir leur légitimité et constituer une force de nuisance et de déstabilisation pour le futur gouvernement.
D’ailleurs, il n’est pas très sûr qu’il obtienne le vote de confiance par la majorité parlemente requise (109) au sein de l’Assemblée des représentants du peuple.
Les députés “moutons“ d’Ennahdha sur lesquels il compte pour faire passer son gouvernement peuvent recevoir en catimini des instructions de Ghannouchi pour voter contre et le faire tomber. Ennahdha étant par essence un parti sur lequel il ne faut pas trop compter.
Rappelons un fait récemment. Il s’est servi du parti Qalb Tounès pour faire monter son président (Ghannouchi) au perchoir, mais a lâché, sans aucun état d’âme, ce même parti lors des concertations sur la formation du gouvernement Fakhfakh, et ce après avoir obtenu le maximum de postes ministériels.
Ce scénario est plausible lorsqu’on sait, également, que le Rached Ghannouchi est actuellement un homme “blessé“. Selon plusieurs sources, il n’aurait pas accepté d’avoir été “humilié“ par le président Kaïs Saïed lors du «cours particulier» que ce dernier lui a récemment donné, devant tous les Tunisiens, sur l’interprétation des certains articles de la Constitution.
Revanchard comme il est, et habitué aux retournements de veste, il n’est pas exclu qu’il ordonne le vote contre le gouvernement Fakhfakh rien que pour se venger du rejet de son gouvernement, celui de Habib Jemli.
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Comme avant-goût des manœuvres que le parti Ennahdha peut entreprendre pour mettre mal à l’aise Elyès Fakhfakh et son sponsor légitime Kaïs Saïed, il a programmé, à la veille du vote de confiance (26 février 2020), une séance plénière pour faire voter un projet sur le seuil électoral, qui passerait de 3% à 5%.
La programmation du vote de ce projet de loi à cette date (25 février 2020) n’est pas fortuite. C’est une véritable grenade dégoupillée. En effet, si ce projet n’est pas voté, Ennahdha pourrait s’appuyer sur cet éventuel rejet pour invalider, le lendemain, le gouvernement Fakhfakh. Et au cas où ce projet, cher à Ennahdha, serait voté, ce parti serait tenté de ne pas également voter pour le gouvernement Fakhfakh et passer à des élections anticipées avec en prime une loi électorale en sa faveur.
Moralité de l’histoire : le vote de confiance n’est pas totalement garanti avec un mouvement politique comme le parti Ennahdha, un parti qui a trahi, dans le passé, tous ses alliés (Ettakatol, CPR et Nidaa Tounès…).
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A l’horizon, l’avenir est toujours incertain
Abstraction faite de ces hypothèses et scénarios, même si le gouvernement passe et obtient le vote de confiance au Parlement, il ne peut perdurer longtemps, en raison de la non-homogénéité de cette équipe. Et c’est là le second reproche fait à Elyès Fakhfakh.
C’est comme au football, pour gagner, ici le progrès et la stabilité du pays, il faut impérativement une équipe soudée et solidaire. Or ce qu’on voit, c’est loin d’être le cas. Il y a certes à l’horizon, au plan individuel, de bons ministres, mais au regard de leurs divergences idéologiques avec le reste, ils pourraient ne pas aller très loin.
A titre indicatif, on imagine mal comment des ministres nahdhaouis peuvent être, un jour, en contradiction avec leurs députés au Parlement et surtout avec le président de l’ARP, Rached Ghannouchi. D’autant plus que ce dernier semble être en guerre ouverte avec le président de la République, Kaïs Saïed, auquel il fait assumer le parrainage du gouvernement Fakhfakh et de manœuvrer pour marginaliser et les partis et le Parlement.
Cela pour dire que le futur gouvernement ne sera pas de tout repos, et l’hypothèse d’une dissolution du Parlement ne peut être définitivement écartée. Bien au contraire. Elle sera à l’ordre du jour chaque fois qu’il y aura un différend soit entre les partis au pouvoir, soit entre les palais du Bardo et de Carthage.