Selon plusieurs indicateurs, le secteur bancaire tunisien est dans l’incapacité d’assumer pleinement son rôle en matière de financement de l’économie. En effet, la part du secteur dans le financement de l’économie reste en dessous des moyennes enregistrées dans des pays similaires, tel que le Maroc.
Plusieurs facteurs expliquent la dégradation du secteur bancaire qui fait face à plusieurs difficultés liées soit au système lui-même ou à la conjoncture économique tant nationale qu’internationale.
Il s’agit, également, du manque de liquidité en dinars ou en devises étrangères, de la faiblesse des consignations et la spéculation, outre l’instabilité qui caractérise la politique monétaire et la hausse du taux d’intérêt directeur (7,85%).
Les 12 établissements du secteur financier (banques, assurances et leasing) cotées en bourse ont réalisé jusqu’à fin septembre 2019 un produit net de près de 3525 millions de dinars, ce qui constitue un faible rendement par rapport au total des actifs bancaires et à la valeur des dépôts bancaires.
En plus, la mauvaise distribution des prêts, renforce la moyenne des dettes difficiles à recouvrir et qui ont atteint près de 12% à la fin du mois de juin 2019, alors que la politique d’emprunt du pays est qualifiée “d’exclusive” notamment envers les familles, les particuliers et les PMEs.
Selon plusieurs rapports périodiques publiés par les institutions internationales, le nombre d’institutions bancaires est énorme en Tunisie. Le Maroc par exemple, compte 11 banques pour près de 35 millions d’habitants, contre 42 banques (23 banques résidentes et 7 banques offshores) pour 11 millions d’habitants en Tunisie. Cette situation a poussé plusieurs experts à recommander la fusion des banques.
Le rapport de la BCT pour l’année 2018, indique que la répartition des crédits fait apparaître que la part des crédits consentis au secteur agricole ne dépasse pas 4,2% du total de crédits accordés aux entreprises et aux professionnels, alors qu’il représente en moyenne 9,5% du PIB.
Par ailleurs, cette valeur dérisoire comporte un taux de la moitié des crédits qui sont distribués aux importateurs des intrants du secteur agricole (appareils, semences, pesticides, animaux, y compris les vaches et autres), c’est-à-dire que l’agriculteur n’obtient directement que 1,3 milliard de dinars, dont les crédits saisonniers de court terme.
Le secteur de l’industrie (public et privé) a obtenu 24,4 milliards de dinars, soit 37,6% du total des crédits accordés aux entreprises et aux professionnels, alors que les services, notamment le commerce (dont une grande partie concerne l’importation), ont accaparé 37,8 milliards de dinars, soit 58,2% du total des crédits accordés aux entreprises et aux professionnels.
Les activités du secteur public, y compris industrielles, n’ont obtenu que 5,1 milliards de dinars soit 7,8% du total des crédits, alors que le secteur privé a obtenu près de 60 milliards de dinars soit un taux de 92,2%.
Les banques vacillent et l’Etat remet la main à la poche
L’annonce par le ministère des Finances que l’Etat tunisien a racheté la totalité de la participation de la Banque populaire -Caisse d’épargne (BPCE) dans le capital de la Banque tuniso-koweitienne (BTK), moyennant une enveloppe de près de 70 millions d’euros, soit 80% du capital de la banque, constitue un exemple concret qui reflète l’instabilité du secteur bancaire tunisien.
Cette opération d’acquisition intervient après la volte face de la banque populaire marocaine qui avait manifesté au début un réel intérêt pour cette opération de rachat des actions de la BTK. La banque marocaine s’est ensuite rétractée à cause des pertes colossales enregistrées par la BTK notamment depuis 2016 .
Avec la perte de plus de 50% de son capital, la BTK n’a plus la capacité d’honorer ses engagements et l’Etat tunisien s’est trouvé obligé de régler ce problème afin d’éviter une crise du secteur bancaire, d’autant plus que la faillite d’une banque engendre nécessairement la perte des droits des participants, des clients et des emprunteurs, ainsi que les intérêts de toutes les parties concernées, expliquent un nombre d’experts.
Sur un autre plan, l’Etat s’attèle actuellement à mettre en place la banque des régions sur les décombres de la BFPME (banque de financement des petites et moyennes entreprises), à travers l’obtention de financements, dont le dernier accordé, le 13 décembre 2019, par l’Allemagne (près de 100 millions d’euros).
Pour rappel, la BFPME a été mise à mal par les crédits douteux qui ont atteint depuis la création de cette institution en 2005 jusqu’au mois d’octobre 2019, environ 150 millions de dinars.
Il y a lieu de rappeler que 80% des projets financés par la banque ont fait face à des difficultés financières et 40% d’entre eux ont déclaré faillite, selon les déclarations de son DG Labid Zaafran.
Pour sa part, la caisse des Dépôts et Consignations (CDC) souffre de plusieurs problèmes qui anéantissent presque son rendement, révèlent plusieurs rapports officiels.
Selon le 31ème rapport annuel de la cour des comptes, la CDC n’est pas parvenue à réaliser les objectifs de financement de ses investissements pour la période 2012/2016 au titre des investissements pour l’intérêt public. Ces derniers n’ont pas dépassé 2% contre des prévisions tablant sur 14%.
Le rapport a ajouté que la plupart des ressources du fonds (épargne) est destiné à des placements financiers, dont le taux s’élève à 98%, portant principalement sur des placement auprès de la trésorerie de l’Etat.
TAP/ Khadija Bousselmi