Il est né d’un processus long, difficile et compliqué. En biologie ou plus précisément en médecine, on appellera cela un accouchement par césarienne.

Il, c’est le gouvernement tunisien présidé par Elyès Fakhfakh, que rien ne prédestinait à ce poste, mais que les vicissitudes de la vie politique en général et de la Constitution tunisienne en particulier de notre pays ont permis d’y occuper.

Certains spécialistes de la maternité se demanderont si ce bébé, “mal-né“, qui a donc souffert le martyr avant même de voir le jour, aura la chance de survivre, de grandir. Rien n’est moins sûr, tant les défis auxquels il fera face sont nombreux et surtout gigantesques.

En effet, comme c’était pratiquement attendu compte tenu de certains facteurs –qui, hélas, n’ont rien à voir avec le patriotisme-, le gouvernement Fakhfakh a finalement obtenu la confiance du Parlement, avec 129 voix pour… mais sur 217.

Autrement dit, 88 députés n’ont pas voté pour lui. Mais nous pensons que Elyès Fakhfakh n’en a cure, parce qu’il s’y attendait du reste, ayant lui-même, dès qu’il a été nommé, exclu certaines composantes de l’Assemblée.

Passons !

Pour notre part, en tant que médias, nous n’hésiterons pas, comme on l’a toujours fait d’ailleurs avec tout le monde, de lui rappeler ses différentes déclarations notamment lorsqu’il y a contradiction les unes des autres.

Ainsi, mercredi 26 février 2020 lors de la plénière à l’ARP, Fakhfakh a fixé les priorités de son gouvernement. C’est-à-dire qu’il a fait des promesses.

Il a promis, comme ses prédécesseurs, de s’attaquer aux “questions urgentes et des réformes radicales“ qui attendent le gouvernement et qui exigent une grande détermination, une volonté et une capacité à le faire.

Pour y parvenir, il compte “changer la méthode de travail du gouvernement, classer les priorités et mettre fin à la dispersion des efforts en vue de redonner confiance au peuple“.

Dans la lutte contre la corruption, Fakhfakh considère que le moment est venu de passer aux actes -fini les paroles- pour démanteler ce phénomène. Et de promettre : “notre réponse sera claire, rapide, ferme et répressive… Nous jetterons les fondements de l’intégrité et de lutter contre toute forme de dilapidation des deniers publics“.

D’ailleurs, il va se servir comme base le deuxième paragraphe de l’article 115 de la Constitution selon lequel “la lutte contre la corruption est une priorité pour la politique pénale de l’Etat…“. Et d’annoncer notamment la mise en place d’“une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption politique“.

Pour ce faire, il s’engage à renforcer l’indépendance de la magistrature et à parachever les lois organisant le pouvoir judiciaire. Bienvenu monsieur le président du gouvernement dans la jungle judiciaire tunisienne.

Il a promis de mener une lutte sans merci contre les crimes et le fait de se jouer des lois : «Le gouvernement annoncera une politique de tolérance zéro à l’égard des phénomènes de la violence, du crime et du terrorisme. J’apporterai mon soutien à tous les corps de sécurité dans l’accomplissement de leur mission».

Parachever le projet national relatif au programme structurel de réforme de l’Etat et de la décentralisation. Fakhfakh estime nécessaire de se focaliser sur ce dossier “en adoptant une démarche claire dans le processus de transfert des prérogatives et de la mobilisation des ressources financières et humaines pour la gouvernance locale”.

Il s’attaquera également au dossier de la réforme administrative, dans le sens de la modernisation et de la numérisation de l’administration ainsi que de la répartition efficace des fonctionnaires sur les différents secteurs, tout en garantissant la formation continue aux agents administratifs et l’amélioration du rendement des établissements et offices de l’Etat.

La réforme des entreprises publiques fait partie de ses priorités. Le désormais nouveau président du gouvernement assure que “ces entreprises sont un acquis pour l’Etat“, et dans ce cas, leur “réforme est impérative non seulement pour les équilibres financiers généraux mais également pour les services qu’elles dispensent aux citoyens“.

Appréhendant l’opposition de la centrale ouvrière et même de certains députés populistes sur cette question, Elyès Fakhfakh promet : “nous n’adopterons pas une méthode dogmatique et nous ne craignons pas d’aborder la question de la réforme des entreprises publiques à condition de tenir compte de la spécificité de chaque entreprise et d’engager un dialogue régulier avec nos partenaires sociaux”. Mais ira-t-il jusqu’au bout de son intention ? Wait and see !

Nous pensons que le nouveau président du gouvernement manque –ou manquera- de reins solides pour réaliser toutes ses promesses. Au mieux, il fera comme ses prédécesseurs, au pire, il enfoncera le pays dans une crise politique et économique sans précédent.

Car, nonobstant l’existence de fortes et intègres personnalités au sein de l’équipe gouvernementale, cette dernière contient déjà les germes de son inefficacité. Dans ces conditions, quelle sera la durée du gouvernement Fakhfakh ? Personne n’est en mesure de répondre à cette question.

TB