Une fois n’est pas coutume et l’hymne national a été scandé, mercredi 26 février 2020, à l’ouverture de la journée économique de la Fondation BNA traitant de «La politique monétaire en période d’instabilité», en langue des signes par des jeunes sourds et muets.
Ils étaient beaux, touchants et émouvants les enfants de l’Association de Soutien aux Déficients Auditifs (ASDA) qui n’avaient pas besoin de paroles pour dire, avec beaucoup de cœur, leur amour pour la mère patrie. Ils l’exprimaient par les mains, le visage et le corps, restituant la magie du texte et l’âme d’une Tunisie qui a besoin de tous ses enfants.
«Que nous le voulons ou non, nous sommes confrontés idéologiquement, affectivement, intellectuellement, socialement et économiquement, avec la réalité du handicap sous ses différentes formes. La BNA profite de chaque occasion pour offrir aux personnes aux besoins spécifiques l’opportunité d’exercer totalement leur citoyenneté. D’ailleurs, ce qu’ils nous donnent est beaucoup plus que ce qu’ils reçoivent. Ce sont des leçons de vie qu’ils nous offrent et qui nous confortent dans l’idée que chaque Tunisien où qu’il soit et quel qu’il soit a un rôle à jouer pour servir son pays. Le don de soi est le seul don qui rapporte à celui qui donne comme à celui qui reçoit. Nous sommes tous interdépendants et nous avons besoin les uns des autres tout au long de notre vie», a déclaré Habib Ben Hadj Kouider, coordinateur de la Journée, directeur général de la BNA et président de la Fondation BNA.
Il a développé en affirmant que les temps sont aujourd’hui opportuns pour une banque, qui réussit progressivement son redressement financier avec des performances notables, de s’ouvrir sur les autres. «Nous sommes ouverts sur notre environnement à travers des actions RSE classiques mais aussi en communicant sur les enjeux des politiques monétaires et des choix socioéconomiques. Nous estimons que notre rôle est d’informer et d’édifier nos compatriotes sur des problématiques complexes que nous voulons accessibles en vulgarisant les concepts et en diffusant la culture économique».
Diffuser la culture économique
Pour ce, la BNA a aménagé au siège de la banque un auditorium avec une capacité d’accueil de 150 personnes. « Cet espace sera dédié à la pensée et à la culture. C’est une contribution de notre banque à la pensée économique et financière. Nous prévoyons aussi d’autres rencontres dans lesquelles, nous aborderons différents thèmes, dont les fintech, l’endettement, la digitalisation, l’entreprise tunisienne et le secteur bancaire, la présence tunisienne en Afrique et l’union du Maghreb. La société civile sera mise contribution, et médias et députés seront aussi invités à nos rencontres» affirme M.Hadj Kouider.
Il n a pas longtemps, les banques avaient de réelles difficultés à mettre la RSE au cœur de leur stratégie car trop souvent perçue comme une contrainte ou un style de communication imposée. Aujourd’hui, consacrer plus d’attention à l’environnement, être soucieux d’autrui, gagner l’adhésion des acteurs externes, les impliquer dans les politiques et stratégies de leurs institutions, en faire les acteurs de leur avenir pour qu’ils agissent et ne subissent pas est le meilleur moyen de prospérer.
La BNA a saisi l’importance de cet enjeu et depuis au moins 6 ans, elle s’appuie sur une vision stratégique construite autour d’actions RSE à différentes dimensions sociales, culturelles et entrepreneuriales. Et tout en se préoccupant de sa rentabilité, elle participe t à l’amélioration de l’environnement dans lequel elle évolue. Parmi les tâches ardues auxquelles elle s’est attaquée ces derniers temps, celle d’agir sur les mentalités par la communication, l’information et le plaidoyer.
Le thème de la politique monétaire traitée par des experts reconnus en présence de MM Ridha Chalgoum et Marouene Abassi, ministre des Finances et gouverneur de la BCT est le premier jalon d’une série de rencontres économiques de haut niveau.
« Il y a du changement dans l’air, voir surgir le BNA Theater est annonceur de bons prémices. Je suis un grand optimiste et ce qui se passe Tunisie est exceptionnel. Nous sommes en train de réussir beaucoup de choses même si on ne parle que de ce qui ne marche pas » a déclaré Marouene Abassi qui a insisté dans son intervention sur le fait que la BCT n’est pas concerné par l’irrationalité de la politique et que les décisions prises dans le cadre de l’exercice de ses prérogatives sont indépendantes de toute pression. « Cela fait 4 mois que nous n’avons pas de gouvernement, que nous ne sommes pas sortis sur les marchés extérieurs, que nous ne discutons pas avec le FMI et que nous n’avons aucune visibilité sur les financements extérieurs et pourtant nous gérons ». Le gouverneur de la BCT a loué son partenariat fructueux avec Ridha Chalgoum, son binôme. « Nous prenons des décisions difficiles et nous nous soutenons mutuellement dans le respect des prérogatives l’un de l’autre ».
Ce à quoi, a réagi le ministre des Finances sortant en parlant de la confiance qui règne entre les deux départements responsables de la politique monétaire de l’Etat et qui a permis de manager, d’agir et de réagir dans la sérénité alors que le contexte est des plus difficiles en adoptant les mêmes postures et en étant sur la même longueur d’ondes.
« Choisir le thème de la politique monétaire en période d’instabilité est pertinent car l’instabilité n’est guère propice au développement. Toutes les instabilités bloquent la croissance. Choisir ce thème aujourd’hui est très judicieux car les instabilités génèrent tous les maux, les dérapages et l’injustice sociale. Les politiques monétaires sont élaborées en périodes d’instabilité et mettent les décideurs au défi de prendre les bonnes décisions pour pouvoir sauver les équilibres financiers d’un pays ».
Qu’il s’agisse de Fatma Marrakchi, Pr en Economie, de Rym Kolsi, DG de la politique monétaire à la BCT ou encore de Béchir Trabelsi, DG des Finances extérieurs et Hatem Zaaréa, directeur du pôle corporate banque d’affaires, les différents intervenants ont, procédé à l’analyse des dérapages qui ont porté préjudice à l’économie du pays et qui auraient même pu menacer le rêve démocratique, a conclu Habib Ben Hadj Kouider. « Lorsqu’on a faim, la priorité n’est plus la liberté».
Il fallait donc procéder à la stabilisation du dinar et la maîtrise de l’inflation en usant des instruments à disposition dont une politique monétaire restrictive pour enclencher un retour à la croissance. « A travers les interventions des uns et des autres *, l’assistance a pu comprendre que la situation n’était pas facile à gérer, elle était très complexe…Aujourd’hui, tout en restant sur une politique monétaire limitative il faudrait peut être oser d’autres canaux dont le bonus prudentiel. Pourquoi ne pas continuer à décourager la consommation et offrir un bonus prudentiel lorsque les banques augmentent leurs engagements sur le créneau investissement ? Une idée à creuser ». Conclut Habib Ben Hadj Kouider s’adressant aux représentants de la BCT.
Il y a très longtemps, Averroes, un des esprits les plus brillants du 12ème siècle avait dit :
« L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation ».
Le cycle de rencontres économiques et culturelles que la BNA vient tout juste d’enclencher permettra peut-être à ceux qui avancent des idées tranchées sur un monde socioéconomique complexe d’en avoir une compréhension beaucoup plus intelligente et perspicace car plus on sait, plus on comprend et moins on juge. L’ignorance du fait économique a porté beaucoup de tort à une Tunisie où le politique et le populisme ont pris le dessus sur beaucoup plus important. En lançat ces rencontres, la BNA, se bats contre la prétention de connaissance de ceux qui pensent tout savoir oser critiquer virulemment les décisions des experts et proposant des solutions surréalistes sans aucun lien avec la réalité économique et monétaire. Béchir Trabelsi, DG des Finances extérieures à la BCT l’a bien expliqué parlant de la politique des changes : « Arrêtons de prétendre tout connaître, faisons nous confiance, à chacun sa spécialité, à chacun son expertise. A la banque centrale, la sphère monétaire est la nôtre, alors qu’on nous laisse travailler et prendre les meilleures des décisions pour préserver nos équilibres monétaires et nos fondamentaux économiques »
Amel Belhadj Ali
(*Nous publierons des synthèses des interventions)